Les PME françaises sont certes confrontées à un trou d’air conjoncturel, mais surtout  à des turbulences provoquées par  un environnement économique et financier qui leur devient structurellement défavorable, et qui risque de les aspirer vers le bas. Elles souffrent, sans possibilité d’optimisation, d’une concurrence monétaire, sociale et fiscale destructrice et, pour les sous-traitants, d’une mise en coupe réglée de leurs donneurs d’ordre qui taillent dans leurs investissements et leurs achats et n’hésitent plus à s’approvisionner sur les marchés extérieurs, voire à délocaliser tout ou partie de leur production. Elles sont également  les principales victimes des politiques budgétaires procycliques menées depuis deux ans : lorsque la France réduit son déficit public par une hausse à marche forcée des prélèvements, elle ne fait que transférer sa dette sur des agents privés dont les contraintes de financement sont bien plus problématiques que celles de l’Etat, surtout pour les PME n’appartenant pas à un groupe.

 

Il n’existe pas de débat, et a fortiori de constat partagé, sur les 2.500.000 entreprises de moins de 10 salariés et les 100.000 PME indépendantes de 10 à 250 salariés, qui représentent pourtant plus de la moitié de l’emploi. Les médias préfèrent s’intéresser aux jeunes pousses, qui ne sont que quelques milliers, et aux ETI qui sont moins de 5.000, dont 30% de filiales de groupes. Notre pays perd chaque jour un bout de son tissu industriel sans que l’opinion  s’en émeuve. Des métiers, des compétences et des savoir-faire spécifiques risquent de disparaître définitivement. Le taux de défaillance des PME culmine à un niveau annuel record de 60.000 depuis quatre ans et connaît depuis peu une recrudescence. Le risque de décrochage et de casse est réel. L’augmentation continue des salaires, des charges sociales et des taxes de toutes sortes ronge leurs marges, aujourd’hui à un niveau historiquement bas. Cette dégradation, conjuguée à un moral des petits patrons également au plus bas, les conduit à différer les investissements et les efforts d’innovation pourtant indispensables au renouvellement de l’appareil productif et au maintien du potentiel de croissance du pays.

 

Bien que la dichotomie observée entre les grands groupes et les marchés financiers d’une part, et le tissu économique représenté pour l’essentiel par ces 2.600.000 entreprises d’autre part, soit patente, le CICE ne leur est pas crédité de façon différenciée. Les pouvoirs publics persévèrent dans leur erreur de ne pas comprendre que les problèmes des PME  ne sont pas ceux des entreprises faisant la une de la presse. Elles souffrent de coûts difficiles à mutualiser et profitent peu de la croissance mondiale. Les PME françaises sont de surcroit pénalisées par un crédit interentreprises anormalement élevé et ne bénéficient pas des alternatives au crédit bancaire ouvertes aux entreprises plus importantes. La BPI n’est pas calibrée pour les PME mais pour les gazelles et les ETI, si possible innovantes et exportatrices. Les injections massives de liquidités et les taux bas de la BCE profitent à l’Etat, aux banques et aux grandes entreprises, mais guère à l’économie réelle et aux PME. La loi de sécurisation de l’emploi, qui vient d’être votée, leur apportera peu de flexibilité mais leur coûtera cher en complémentaire santé.

 

Il est urgent d’éviter l’entrée en vrille des PME qui ne parviennent pas à se faire entendre dans le concert des lobbys. Au-delà de la thérapie de choc à insuffler en faveur de l’entrepreneuriat et de la transmission d’entreprise, de l’investissement et de l’innovation, de la réorganisation territoriale autour de la quête de compétitivité et d’attractivité, du rétablissement du canal du crédit et des fonds propres des PME, les politiques doivent ne pas désespérer les forces productives et leur écosystème, afficher un cap pro PME et s’y tenir avec détermination. Ce n’est pas en dispensant les petites entreprises de publier leurs comptes que l’économie française gagnera la confiance. L’objectif est de changer les anticipations extraordinairement négatives des entreprises et des ménages et de redonner confiance aux petits patrons, en allégeant la législation sur les licenciements et les charges administratives et fiscales qui pèsent sur ces laissés pour compte que sont les PME, seules capables d’inverser la courbe du chômage.