Dans le souci économiquement fondé de recycler les montants de devises acquises à l’occasion de leurs énormes excédents de balance courante, mêlé à une préoccupation de soft power (les nouvelles Routes de la soie), la Chine a fortement prêté à de nombreux pays du monde. Vox-Fi avait évoqué le sujet dans un précédent billet, au titre toujours actuel « Les très occultes prêts chinois aux pays émergents ». La Banque mondiale s’en est fait l’écho récemment. Occultes, ces prêts, mais plus que cela : ils entrainent souvent les pays bénéficiaires dans une spirale d’endettement.

Vu du côté du prêteur, il y a donc un fort doute sur la qualité du portefeuille de crédits consentis par la Chine. C’est ce qu’illustre le graphique suivant tiré d’un récent billet de Vox-EU.

L’agression russe sur l’Ukraine n’arrange rien, car la Chine a prêté 125 Md$ à la Russie, surtout dans le secteur de l’énergie, et respectivement 7 et 8 Md$ à l’Ukraine et à la Biélorussie. Si on compte ces trois pays, c’est donc près de 60 % du portefeuille qui est en défaut de paiement (non performing loans).

 

Il y a une délicate interprétation de ces chiffres. La courbe ne dit pas bien sûr que ce sont les prêts chinois qui, causant un surendettement, provoque leur défaut de paiement. Elle pourrait par contre indiquer une attitude extrêmement altruiste de la Chine qui prêterait à des pays à qui peu de gens veulent prêter.

 

Le graphique qui suit met en doute cette vision généreuse. Il compare le rating moyen (pondéré par le PIB) de 108 pays en développement et émergents et le rating moyen des pays à qui prête la Chine. Les deux allaient de pair avant la Grande crise financière de 2008, signe que la Chine prêtait sans qu’il y ait sélection des pays à risque. Ils s’en écartent depuis lors, signe qu’elle a misé sur les mauvais chevaux. Comme les clauses qui vont avec ces prêts sont drastiques, avec en général gage sur les exportations en nature – une forme moderne de péonage –, il est probable que cet endettement pèse sur le développement des pays emprunteurs. Beaucoup de ces pays sont en traitement au Club de Paris pour restructuration, ce qui a élevé la crainte que la communauté internationale fasse des remises de dette à certains de ces pays pour qu’ils puissent rembourser la Chine, ce qui s’assimile alors à un transfert direct des institutions internationales vers la Chine.

 

Mauvais portefeuille signifie décision brutale : la Chine depuis deux ans a arrêté de prêter en net, c’est-à-dire que le service de la dette dépasse le montant des nouveaux prêts. C’est un go and stop brutal qui fragilise ces pays à un moment conjoncturel délicat et qui forcera les pays avancés et les institutions internationales à prendre le relais.