L’ANC dispose en France d’un pouvoir réglementaire sur les normes comptables françaises. Il n’en va pas de même sur les normes IFRS, qui sont d’application directe aux entreprises concernées en vertu du règlement européen de 2002.
 
Un Etat-membre ne peut interférer dans l’application des IFRS telles qu’adoptées par l’Europe. Cette incompétence, au sens juridique du terme, aurait pu conduire l’ANC à une certaine réserve. Certes, elle n’émet aucun règlement en la matière, mais elle a pris l’habitude d’accompagner ses règlements sur les normes françaises par des textes parallèles sur les IFRS, des recommandations sensées homogénéiser les pratiques des groupes français soumis aux IFRS. Ces recommandations ne présentent évidemment aucun caractère obligatoire et rien ne pourrait être reproché aux entreprises qui ne les suivraient pas. Certaines de ces recommandations peuvent avoir une certaine utilité, lorsqu’elles traitent d’un problème spécifiquement français ; d’autres, comme celle sur l’annexe, sont inoffensives mais verbeuses et inutiles. Une troisième catégorie, bien plus grave, vient de se révéler : des recommandations qui incitent les entreprises à contrevenir à une disposition parfaitement claire du règlement des IFRS approuvées par l’Europe.
 
Les trois recommandations datées du 7 novembre 2013 (N°2013-03 ,2013-04 et 2013-05) visent la présentation des comptes des banques, des compagnies d’assurance et des entreprises n’appartenant à aucun de ces deux secteurs, c’est à dire toutes les autres. Elles recommandent de changer le titre d’un des états financiers. Le titre exigé par les IFRS, « Etat des autres éléments du résultat global », serait remplacé par « Etat des éléments inscrits directement en capitaux propres ».
 
Cette initiative revient à accréditer l’idée que certains produits et charges n’entrant pas dans le calcul du résultat net n’entrent pas non plus dans le résultat global de l’exercice. Par exemple, la variation de juste valeur des instruments financiers disponibles à la vente, la variation des instruments de couverture des flux de trésorerie, les écarts de conversion des états financiers en monnaies étrangères, les écarts actuariels sur les provisions pour retraites, pour ne citer que les principaux. Ils iraient « directement » dans les capitaux propres sans transiter par un compte de résultat, ce qu’interdisent précisément les IFRS.
 
C’est avec de tels à-peu-près qu’on entretient la confusion dans les esprits. On aurait tort de croire qu’il s’agit d’une violation mineure. Les sociétés qui suivraient sur ce point les recommandations de l’ANC seraient indiscutablement en contradiction formelle et significative avec les IFRS.
 
Quelle est la motivation pour pousser ainsi à la faute les émetteurs ? Quelles influences ont joué, quel « due process » a été suivi ? Il faut réfléchir à deux fois avant d’appliquer une recommandation de l’ANC sur les IFRS. L’ANC gagnerait à se concentrer sur le domaine de compétence que les lois françaises et le règlement européen lui confient. Il y a là suffisamment de grain à moudre.