Force est de constater la stabilité de l’euro par rapport au dollar depuis le début de l’année !

Alors que, depuis le début de l’année, le yen et la livre anglaise ont respectivement perdu 16 % et 7 % par rapport au dollar, l’euro reste curieusement résistant entre $1.30 vendredi 31 mai et $1.32 le 1er janvier. Désintérêt des marchés financiers ?

 

Il est en effet étrange que l’euro résiste et ne s’affaiblisse pas contre le dollar. Deux économies actuellement divergentes : croissance annualisée de 2.4 % au 1er trimestre pour les Etats-Unis (consensus annuel aux environs de 2 % – 2.5 %), alors que celle de l’euro-zone se contracte depuis 6 trimestre consécutifs (dont -0.6 % au dernier trimestre 2012) pour aboutir à une croissance de -0.2 % au 1er trimestre 2013 et probablement atteindre un consensus 2013 négatif entre -0 .5 % et -1.0 % et un taux de chômage record de 12.2 %. En même temps, la remontée des taux des bons du Trésor américain à 10 ans (2,16 % à fin mai 2013) devrait mécaniquement affaiblir l’euro à terme ; même si l’euro bénéficie de quelques bons signaux de la zone Euro : tout d’abord, réduction des tensions financières internes à la zone, ce qui a conduit à la baisse du différentiel de taux entre pays du Sud et pays du Nord, ensuite éloignement du risque d’explosion portée par la Grèce et d’autres pays membres de l’Euro et finalement un différentiel européen exportation-importation positif.

Quant aux taux court terme, le différentiel entre les taux directeurs de la BCE et de la FED s’est progressivement réduit, il était temps… depuis 1999, les Etats-Unis ont décidé d’abaisser leur taux directeurs à 25 points de base, l’Europe aura mis pratiquement 4 ans pour passer de 400 points de base à 50 points. Il fallait soutenir l’euro et l’Europe, cela a été une réussite, maintenant il faut changer de « braquet » !

 

Mario Draghi et les instances européennes ont constamment affirmé qu’ils soutiendraient l’euro quoi qu’il en coûte, ce qui est une très bonne chose pour notre économie ; alors les investisseurs ont trouvé d’autres devises plus attractives à vendre contre le dollar, principalement le yen. Nous avons évité le pire avec la spéculation diront certains ; certes, mais cela ne relancera pas la croissance dans les pays européens en panne de compétitivité. Pour ces pays-là (dont la France, l’Espagne, l’Italie…), il ne reste plus qu’à retrouver la croissance par la baisse des coûts de production, mais à quel prix social… il suffit de regarder les conséquences dans les pays du Sud : chômage des jeunes, baisse des salaires, etc.

 

Le Japon s’est récemment lancé dans un début de « guerre des monnaies » avec des rachats d’actifs financiers, ce qui a eu pour effet immédiat de faire baisser le yen ; les Etats-Unis s’y sont engagés d’une autre façon, via la création de monnaie tout en maintenant un taux d’intérêt court terme à zéro jusqu’en 2015. De fait, l’euro se trouve coincé entre ces politiques monétaires agressives, des taux d’intérêts divergents et notre volonté de réduire la crise de la dette. La conduite de la politique monétaire échappe dorénavant au contrôle de chaque pays de la zone européenne pour être du seul ressort de la Banque Centrale Européenne. La principale mission que s’est imposée la BCE est de contenir l’inflation des prix à un niveau considéré comme optimum aux environs de 2 %. Alors que Banque centrale des Etats Unis ou FED (Federal Reserve System) considère plutôt la croissance économique comme premier levier, ceci pour maximiser l’emploi. Les paroles de M. Draghi ne suffisent plus, tous les économistes sont d’accord : un euro trop fort détruit notre économie européenne déjà en perte de compétitivité… Les solutions possibles ne sont pas « légions » : affirmer une politique monétaire volontariste en définissant déjà un taux de change objectif, continuer de faire baisser les taux d’intérêts (même au détriment d’un peu d’inflation), continuer de prêcher l’unification d’une politique bancaire et économique européenne pour le long-terme, continuer de racheter directement de la dette d’état pour le court-terme…

 

Allons M. Draghi, un petit effort, remettez-nous dans le monde réel des devises, juste un peu pour voir et pour ne pas nous laisser dans un autre monde peut-être vertueux mais aussi virtuel ! Ne faudrait-il pas enfin que vous considéreriez la croissance, même à court terme, et un peu d’inflation, sur le long terme ? Acceptez que notre devise soit enfin un véritable levier au service de l’économie : personne ne contestera que l’orthodoxie monétaire ait du bon, mais encore faudrait-il qu’elle ne soit pas contreproductive !

 

Rien n’est pire que l’immobilisme !