L’ Agefi rapporte, dans une dépêche récente, que Christian Noyer (Ndlr : gouverneur de la Banque de France) a déclaré : « Ce n’est pas l’IASB qui fait la loi en Europe. Si nous décidons de reprendre le contrôle et d’écrire nous-mêmes les règles comptables dans la directive européenne, sans suivre l’IASB, la question sera résolue ; c’est aussi simple que cela. » Trois réflexions et un regret, emprunt de nostalgie…

1. Si M. Noyer est si confiant quant à la capacité de l’Europe à créer son propre référentiel comptable, pourquoi n’a-t-il pas milité dans cette direction AVANT que l’ UE ne décide en 2002 d' »acheter sur étagère » (problématique « make or buy ») les IAS auprès de l’IASC (de l’époque) ? Les efforts comptables de l’Europe se sont arrêtés nets après la quatrième directive (qui n’allait elle-même pas très loin…). Il est bien tard pour taper du poing sur la table…

2. M. Noyer manque sans doute d’information sur le ridicule dont se couvre l’UE dans les réunions internationales où elle partage le tour de table avec l’ IASB et le FASB, du fait de ce (trop) fameux « carve-out » de l’IAS 39 qui ne concerne que 15 banques, mais qui jette l’opprobre de la part des deux normalisateurs comptables mondiaux sur la capacité de l’ UE à être disciplinée. Qu’arrivera-t-il quand la Chine, l’Inde, le Canada, le Japon , etc. procéderont à leur propre « charcutage », au nom de leur « spécifité culturelle et/ou historique » ? A ce rythme-là , l’équivalence IFRS/US Gaap sans réconciliation (qui ne vaut que pour les « vrais » IAS/IFRS « pur sucre » de Londres), est déjà mort-née…

3. Les autres Européens pensent-ils comme Monsieur Noyer ?

Conclusion : Qu’il était doux, le temps de l’économie administrée, où la Rue de Rivoli faisait à la fois la loi comptable et fiscale pour les entreprises françaises, et où les représentants du peuple votaient les lois comptables (ou de droit des sociétés), avec quelques-uns dans l’ Hémicycle qui « tournaient les clefs » au nom de leurs collègues de leur groupe parlementaire (comme pour la LSF, début août 2003…). Ah ! au moins, en ce temps-là (le temps béni du Crédit Lyonnais), ce n’étaient pas quatorze « ayatollahs » comptables apatrides (dont deux Français, n’oublions pas) qui élaboraient la loi comptable à coup d' »exposure drafts », où toute la planète peut donner son opinion ! On était entre gens « comme il faut », et on s’en portait très bien…

Jean-Luc Peyret