Les émissions de BSAAR Managers (Bons de Souscription et/ou d’Acquisition d’Actions Remboursables réservés aux Managers), produits d’association des managers au devenir des sociétés cotées qu’ils dirigent, sont devenues monnaie courante sur le marché français depuis leur invention en 2005. Pour de multiples raisons (comptables, fiscales, etc.), des expertises indépendantes visant à s’assurer de la pertinence de leur prix d’émission ont été produites de façon quasi-systématique au cours des années, sans que ces expertises soient requises par la réglementation du marché boursier (au sens de l’article 261-1 du Règlement général de l’AMF).

Les soubresauts récents des marchés financiers, qui ont rendu délicate toute évaluation d’instruments optionnels exotiques, mais aussi l’apparition concomitante d’offres d’échange ou de rachat de BSAAR anciens hors de la monnaie, ont conduit l’AMF à demander de façon informelle à un certains nombres d’experts en la matière (*) de réfléchir aux difficultés posées par l’évaluation de ces BSAAR. L’objectif de ce groupe de travail informel était de proposer un état des lieux des meilleures pratiques en la matière. Il a récemment rendu publiques les principales conclusions de ses travaux dans un document, « Note de travail de travail sur l’évaluation des BSAAR », sous l’égide de la SFEV

Le premier apport de ce groupe de travail est d’expliciter clairement les objectifs qui motivent l’intervention d’un expert indépendant :
– à la demande de la société et des managers, de façon à sécuriser d’un point de vue fiscal et/ou comptable l’opération ;
– à la demande du conseil d’administration, afin de l’assister à arrêter le prix d’émission ou le prix d’offre ;
– à l’attention des actionnaires de la société, soit dans le cadre du Règlement général de l’AMF, soit à la demande du conseil d’administration de la société, soit enfin suivant une disposition prévue par les résolutions de l’assemblée générale autorisant une émission.

Selon l’objectif et la situation rencontrée, l’expert présentera les résultats de ses travaux et ses conclusions suivant une modalité adaptée :
– une opinion sur le caractère raisonnable d’un prix à des fins fiscales ou comptables ;
– une fourchette d’estimations pour le conseil qui fixera le prix ;
– une opinion sur le caractère équitable ou raisonnable du prix pour l’information des actionnaires de la société.

Le second apport de ce groupe de travail est méthodologique, puisqu’il réalise un état des lieux des meilleures pratiques en la matière. Il fait ainsi apparaître un net consensus autour de deux points :
– même si la formule de Black, Scholes et Merton est inadaptée dans le cas d’espèce pour évaluer les BSAAR, ses principes fondamentaux (raisonnement par arbitrage, modélisation de la trajectoire suivie par le sous-jacent, etc.) restent pertinents ;
– l’utilisation d’algorithmes numériques visant à modéliser l’arborescence de trajectoires suivies par le sous-jacent est la démarche la plus utilisée.

Dans le prolongement de cette analyse, le groupe de travail étudie les modalités d’estimation des principaux paramètres des modèles d’évaluation :
– le cours de l’action sous-jacente
– le taux sans risque ;
– le taux de dividende ;
– la dilution ;
– la volatilité attendue du rendement de l’action ;
– la marge de repo ;
– le coût de l’incessibilité.

Chacun de ces paramètres demande une modalité d’estimation différente. Sans nécessairement privilégier une voie plutôt qu’une autre, le groupe de travail suggère la mise en oeuvre de plusieurs modalités d’estimation différentes afin d’aboutir à une conclusion satisfaisante pour chaque paramètre. Le groupe de travail insiste alors sur la nécessaire convergence entre l’estimation de ces paramètres quand ils font preuve d’une certaine interdépendance (ainsi le cours de l’action et la volatilité attendue de l’action).

En conclusion, le groupe de travail souligne deux points essentiels en matière d’évaluation de bons :
– Si le choix du modèle d’évaluation ressort d’une démarche qui fait l’objet d’un consensus parmi les experts, la subjectivité prévaut lors de l’estimation des différents paramètres qui nourrissent le modèle.
– La fourchette d’estimations qui ressort des rapports d’évaluation est nécessairement large s’agissant d’instruments optionnels. En revanche, l’expert doit avoir pour objectif de restreindre la largeur de cette fourchette sous peine de ne pas offrir une information satisfaisante au destinataire du rapport (conseils d’administration, actionnaires minoritaires, etc.)…

(*) le groupe de travail, animé par le cabinet Ricol Lasteyrie (Sonia Bonnet-Bernard, Marie-Ange Farthouat et Pierre Astolfi), était composé d’Accuracy (Henri Philippe), Associés en Finance (Daniel Beaumont), Defix (Thomas Bouvet), Oddo Corporate Finance (Laurent Durieux, Jean-Michel Moinade).