La cohésion sociale s’impose comme une dimension essentielle au bon fonctionnement de nos économies comme de nos entreprises. La crise financière, en exigeant des mutations organisationnelles ou des restructurations d’entreprise, a fortement accéléré la prise de conscience de la nécessité d’un nouveau contrat social. Ainsi, chacun a-t-il désormais à l’esprit que l’individualisme ne saurait primer sur l’intérêt général. Dans le livre Repenser la planète Finance, publié par le Cercle Turgot1, je proposais les conditions de la restauration d’une déontologie financière acceptée par tous : la confiance fondée sur la transparence et le comportement éthique, mais aussi le partage de valeurs morales, équilibrant intérêt individuel et intérêt collectif.

Le rapport 2010 de l’Observatoire du dialogue et de l’intelligence sociale (Odis) sur L’Etat social de la France2 confirme ce diagnostic. En s’aidant d’une cartographie des régions françaises et des pays européens, il établit des indicateurs à la fois de niveau de lien social (le « savoir-être ensemble ») et de niveau de performance (le « savoir-faire collectif et les résultats obtenus »). Sur cette base, il montre une corrélation très forte entre lien social et performance : « les territoires qui réussissent le mieux, à la fois en termes de lien social et de performances, sont ceux où l’information circule facilement, où le débat public est plus dynamique (…) et se déroule en toute transparence sur les sujets stratégiques, et où chacun s’implique dans la construction de l’avenir collectif. Les territoires qui réussissent comparativement moins bien sont ceux où d’importantes asymétries d’information ne permettent pas à chacun de prendre part à la réflexion collective (…), à l’identification de solutions nouvelles, au partage de projets communs. »

Cette analyse faite au niveau sociétal est-elle applicable à nos entreprises ? Bien sûr, sachant le rôle croissant des hommes, de leurs connaissances, de leur capacité à travailler en commun et de former ce qu’on appelle le capital immatériel. Et cela à tout niveau dans l’échelle de la hiérarchie et des fonctions.

Mais quel pourrait être un équilibre stable ou évolutif entre lien social et performance au sein de l’entreprise ? L’équation est forcément complexe et ici le directeur financier a son rôle à jouer.

C’est à tort que la finance est cataloguée, il est vrai avec quelques arguments si l’on s’en tient à l’histoire récente, comme « court-termiste », soumise à la pression des marchés financiers et des actionnaires, et oublieuse de cette règle fondamentale qu’il n’y a de richesse que d’hommes. La réalité de la vie des entreprises est souvent différente : les financiers sont les garants du long terme autant, si ce n’est plus, que toute autre fonction de l’entreprise ; ainsi, toute structure bilancielle doit être optimisée en associant besoins et ressources à long terme ; ainsi, toute modélisation financière de projets d’investissement engage le moyen-long terme et oblige à une vision économique globale de l’entreprise, partageable par tous, impliquant une responsabilisation du management et des équipes quant à l’impact des actions menées. Par le partage des diagnostics, la mise en commun des informations et la réflexion collective dans le cadre du plan, les décideurs peuvent transformer un simple plan stratégique en véritable projet d’entreprise associant performance et cohésion sociale.

Mais ici comme ailleurs, tout est affaire d’exécution. C’est donc un sujet qui concerne au plus haut point une association comme la DFCG, qui regroupe les dirigeants financiers en entreprise. Un groupe de travail analyse les éléments de corrélation entre performance économique ou financière et lien social au sein de l’entreprise. La diversité des entreprises et des profils des dirigeants adhérents, leur présence géographique dans l’ensemble des régions et leur poids économique apportent une richesse d’informations et de points de vue dont la mutualisation ne peut qu’enrichir et rendre plus effective notre réflexion collective, ouvrant la porte à des idées innovantes en matière de management et de performance durable.

1. Editions Eyrolles, 2009.
2. Editions La Documentation Française, 2010.

Cet article est une reproduction de l’analyse de la DFCG publiée tous les mois dans le magazine Option finance (janvier 2011).

Cet article a été publié une première fois sur Vox-Fi le 26 mai 2014.