Le logement constitue un problème social majeur en France. Désormais, la pénurie ne concerne plus seulement les revenus les plus bas et les jeunes qui entrent dans la vie active, mais aussi les classes moyennes. Le marché du logement est affecté de dysfonctionnements majeurs. L’État intervient de façon massive dans ce domaine, par le jeu d’aides budgétaires directes au logement, précisément pour répondre aux dysfonctionnements du marché. Ces aides atteignent le montant de 37,4 Md€ en 2009, soit 2 % du PIB, et 2,7 % si on inclut les avantages donnés aux locataires des HLM sous forme de loyers en dessous des prix de marché. Ces aides touchent un locataire sur deux et un propriétaire sur dix, ce qui n’est pas le signe d’un ciblage efficace. C’est le sujet d’une note plus détaillée qui est mise en pièce jointe de ce billet. Elle milite pour un « déverrouillage » de l’offre foncière et immobilière passant par une politique de l’urbanisme plus active.

La réalité aujourd’hui, c’est que beaucoup de ménages sont tout simplement coupés de l’accès au logement. Ils ne trouvent rien à des prix accessibles, soit en location, soit plus encore en pleine propriété. Ne rien trouver est, bien sûr, une notion relative, dépendant du coût du logement et de la distance au travail, du lieu pour l’éducation des enfants, de la qualité de l’environnement, etc. L’offre de logements est donc une notion peu facile à appréhender : on parle ici de 500 000, là de 1,5 million de logements manquants. Mais le fait est là : la rareté est violemment ressentie dans les grandes agglomérations et particulièrement en Île-de-France. La spirale ascendante des prix rejette de l’accès à la propriété et parfois de la location un nombre très important de ménages. Le « marché du logement » fonctionne mal.

Face à cela, l’État intervient directement pour aider sa population la plus modeste à se loger, soit en agissant sur la demande de logements (par aide spécifique à la location ou à l’accès à la propriété, ce qu’on appelle l’aide à la personne), soit sur l’offre de logements (par aide à la production ou à la mise en location de logements – aide à la pierre).

[quote type= »center »]Une offre de logements devenue inélastique[/quote]

Malheureusement, il est maintenant bien documenté que cette aide (qui absorbe près de 3 % du PIB français) est devenue au fil du temps assez inefficace. La raison ? Entre autres, l’offre de logements est devenue particulièrement « inélastique », ce qui signifie que la hausse des prix du logement ne stimule que très difficilement une hausse de la production de logements neufs.

Or, une offre inélastique rend vaines les politiques d’aide budgétaire au logement par des subventions ciblées, tant au locataire qu’au propriétaire. Aidez les étudiants à se loger par une allocation logement et vous retrouvez le gros de l’aide dans les poches du propriétaire qui peut monter ses loyers. C’est un transfert direct du contribuable au propriétaire, neutre pour l’étudiant et nocif pour le demandeur de logement qui ne bénéficie pas de l’aide. Cela vaut aujourd’hui pour toute aide à la location : à offre non flexible, ce sont les propriétaires qui en profitent. Dans une étude qui fait référence, Fack (2005) estime qu’une aide de 100 euros donnée au locataire se retrouve entre 50 et 80 euros chez le propriétaire (montant dépendant de la localisation) sous forme de hausse du loyer, et donc in fine du prix de l’immobilier.

Aidez maintenant les propriétaires à acquérir leur résidence principale, mesure que préfèrent les gouvernements de droite, et là aussi les mêmes effets : l’aide par déduction des intérêts de l’emprunt du revenu imposable (comme l’avait fait la loi TEPA de 2007, heureusement abandonnée) part en hausse des prix, au bénéfice des propriétaires pour les logements anciens et à celui des promoteurs pour les logements neufs sachant qu’on ne peut en produire davantage que ce que la libération au compte-gouttes du foncier disponible rend possible. De plus, l’aide fiscale opère souvent une discrimination entre hauts et bas revenus, ces derniers profitant moins du rabais fiscal. Le prêt à taux zéro, à un degré moins visible, a les mêmes effets : l’effort fiscal très significatif (2,6 Md€) se retrouve par le même mécanisme en grande partie dans la poche des promoteurs. Il est neutre pour ceux qui y souscrivent, pénalisant pour le reste des candidats à la propriété et, selon les derniers chiffres gouvernementaux, présente les mêmes distorsions au regard de la redistribution des revenus. Il en va de même des niches fiscales à répétition que sont les lois Scellier, Besson, Périssol, etc.

La rigidité de l’offre n’est bien sûr pas seule à être en cause. La complexité, le manque de visibilité et surtout l’instabilité du droit immobilier illustrent également le désarroi de la puissance publique. La réponse politique à la pénurie de logements a été, depuis des décennies, de renforcer les assurances données aux locataires. Mais l’effet de cette politique est de renchérir les loyers (la prime d’assurance est payée in fine par le locataire), de pousser les propriétaires à accroître la sélectivité des locataires (avec un niveau désormais record des cautions et de loyers d’avance) ou encore à retirer leur bien du marché de la location.

 

 

Libérer de l’offre immobilière

 

Dans ce contexte difficile, le Gouvernement doit impérativement mettre en place des mesures consistant à libérer de la surface foncière autour des villes à destination du logement. (Voir note détaillée ici) En particulier :

  • Réduire les rigidités du droit de l’urbanisme. Il faut éviter de remettre la décision de construction de logement aux « insiders » (les gens déjà en place qui s’opposent de toute façon à la densification du foncier). Il faut par exemple accepter le « rachat » de la rente dont bénéficient les propriétaires en place. Ce qui veut dire autoriser le propriétaire, dans le cadre de plans fonciers bien établis, à construire un ou deux étages de plus, ou un lotissement de plus sur son terrain, financés par une cession à terme à un tiers ou une mise en location, cela avec un crédit-relais pouvant éventuellement faire l’objet d’une aide d’État.
  • Restaurer une politique sociale de l’urbanisme : il faut allouer les budgets d’équipements publics (transports, équipements culturels, en lycées ou hôpitaux de qualité) vers les zones aujourd’hui périphériques des grandes villes, en premier lieu Paris. La logique économique est de créer un effet de levier : l’investissement public relève l’attrait foncier du site et persuade donc les investisseurs privés d’y venir. Elle est créatrice d’offre foncière.

C’est, sur la durée et dans la limite des moyens budgétaires, une direction que peut prendre une politique nationale du logement, à nouveau en s’appuyant sur l’effet de levier que la dépense publique a sur l’attraction du lieu et la valeur de son foncier. Un signe emblématique, suggéré par Roland Castro (2007) avec le langage poétique qui sied à un urbaniste, en serait le déplacement de l’Elysée à Saint-Denis, clin d’œil de notre bonne République à ce haut-lieu de notre ancienne monarchie. L’idée repose sur une offre immobilière stimulée par l’aménagement urbain de grande ampleur.

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