La Loi DODD-FRANCK de régulation financière adoptée aux forceps par le Congrès au cours de l’été dernier prévoit que:
• Les banques commerciales ainsi que les établissements financiers supervisés par la Fed ne pourront plus spéculer pour leur compte à moins d’investir aux côtés d’un client. Elles pourront prendre des participations dans des fonds de capital-investissement et des « hedge funds » mais seulement jusqu’à hauteur de 3 % de leurs fonds propres. Les participations actuelles, si elles dépassent ce seuil, devront être cédées.
• Sera interdit le mélange des genres qui fait que des activités très risquées soient mélangées avec des activités de gestion des moyens de paiement. Que le premier métier fasse faillite, et le risque systémique est minime ; qu’il entraîne le second dans la faillite est une toute autre histoire.
• D’ici à cinq ans, les principales banques devront respecter une définition plus stricte de leurs fonds propres. Les banques identifiées par le Conseil de supervision de la stabilité financière comme présentant un risque systémique devront limiter leur levier à quinze fois les fonds propres.
• Les contribuables ne pourront plus être sollicités pour sauver des entreprises financières en difficulté ou payer le coût de leur démantèlement. Pas de création de taxe bancaire spécifique.
Les grands groupes financiers devront, eux, présenter aux régulateurs un « testament » prévoyant la façon dont ils devraient être liquidés en cas d’urgence.

Parmi les 2 400 pages du texte de loi, il n’est pas fait référence à l’activité de prime brokerage qui consiste, pour une banque à « proposer des services spécifiques aux hedge funds afin de leur permettre de mieux exercer leurs activités : outre les opérations classiques d’intermédiation sur les marchés financiers (achat et vente pour le compte du client), le prime broker offre des services de prêts et emprunts de titres, des services de financement spécifiquement adaptés aux opérations avec effets de levier des hedge funds ». (*)

Afin de s’adapter à la loi (!), les équipes de trading des banques d’investissement montent leur propre fonds. Morgan Sze, Head of global Principal Strategies Group de Goldman Sachs, ne le restera pas longtemps. Accompagné de son équipe, une dizaine de traders compte propre basés à Hong Kong, il se prépare à quitter la banque pour lancer son propre hedge fund. Son départ devrait être effectif d’ici la fin de l’année. Il aurait déjà recruté Roger Denby-Jones, lui-même ancien courtier de Goldman Sachs où, pendant 14 ans, il a dirigé la vente Europe dans l’équipe de prime brokerage.

Le choix de Denby-Jones, permettra probablement à Morgan Sze de lever des capitaux supplémentaires et de dissiper les inquiétudes des investisseurs sur la capacité des traders à traiter les aspects opérationnels de la gestion d’un fonds. Selon certains investisseurs, la question clé pour une équipe de traders compte propre de cette réputation n’est pas celle de leur capacité à générer de la performance, mais leur capacité à gérer une entreprise en sortant du cocon du contrôle interne de leur banque d’investissement d’origine, nonobstant les règles d’allocation de prêt appliquées par le prime broker qui pourra être tenté de faire « confiance » à ses anciens opérateurs…

En d’autres termes, la finance, « intensive », de marché est de retour (en raison probablement de la hausse de la volatilité des instruments financiers)…avec un risque opérationnel plus élevé que jamais !

Heureusement, Bâle 3 arrive ? Heureusement, prêter à un hedge fund ne serait pas équivalent à faire du trading pour compte propre car la différence de risques entre les deux modes opératoires serait que si le hedge fund fait défaut, la banque récupère le solde, alors que si elle porte elle-même les positions, elle est exposée complètement ? Voire ! Outre qu’il n’est pas certain que les américains décident d’appliquer la nouvelle règlementation internationale proposée par la Banque des Règlements Internationaux (cf. Bâle 2), Bâle 3 prévoit que les prêts aux hedge funds devront être financés à 100 % sur fonds propres…comme pour le trading pour compte propre !

L’écran du hedge fund est seulement devenu l’intermédiaire, nécessaire, entre la banque d’une part, et les actifs et positions à risque d’autre part.

On se rassurera en sachant que le Forum de stabilité financière et le FMI ont vu leurs missions étendues à la surveillance des flux de capitaux et des fonds « off shore » par le G 20. Mais, l’un et l’autre n’ont pas encore eu le délai suffisant pour être totalement opérationnels et, en cette fin de 2010, les marchés sont encore insuffisamment surveillés : ils sont revenus en 2007, la bataille de devises en plus.

Or il y a urgence ! La guerre des monnaies est déclarée, lit-on. Pour le moins, force est de constater que les Banques centrales (or la BCE) se livrent à une course à la baisse des taux. Les occasions de carry-back et les opérations « coup de poing » des banques centrales vont à nouveau se présenter et avec elles une augmentation de la volatilité des devises et donc un retour du risque systémique élevé.

Accroissement des risques de marché, des déséquilibres des flux financiers et des risques opérationnels : le G 20 de Séoul, va devoir rassurer… en mettant les mains dans le cambouis. Attendons !

 

(*) référence VERNIMMEN