La famille Bouygues a choisi l’OPRA comme mode de relution dans le capital de la société Bouygues. Or il lui était possible d’arriver au même résultat tant en termes d’augmentation de son pourcentage de détention que d’évolution de la structure financière de la société, mais avec plusieurs dizaines de millions d’euros de cash supplémentaire.

L’AMF a annoncé vendredi 14 octobre que l’offre publique de rachat de Bouygues sur ses propres actions sera ouverte du 17 octobre au 7 novembre 2011 inclus.

Bouygues avait communiqué1 le 31 août 2011 sur un projet d’Offre Publique de Rachat d’Actions (OPRA), une première pour une société de cette taille et qui bénéficie d’une belle liquidité en bourse. Au prix de 30 €, cette offre porte sur 11,7 % du capital.

Au regard de l’objectif annoncé qui est de permettre à la famille Bouygues de se « reluer » c’est-à-dire d’augmenter sa part au capital de la société Bouygues, il apparaît étonnant qu’elle ait choisi une telle procédure puisque cela revient à faire un cadeau aux autres actionnaires qui se chiffre en dizaines de millions d’euros !

La logique d’une telle offre repose sur une réduction de capital par la diminution du nombre d’actions constituant le capital de la société après rachat par celle-ci d’une partie de ses propres actions. Ainsi les actionnaires qui n’apportent pas leurs actions voient leur pourcentage de détention du capital augmenté. Pour que l’offre soit attractive, il faut que le prix de rachat soit significativement plus élevé que le cours de l’action. Bouygues a ainsi choisi un prix de 30 €, soit plus de 30 % au-dessus du cours de l’action qui se situait à 23,09 € au moment de l’annonce.

La société offre ainsi une option de vente aux actionnaires sur une partie de leurs actions, option dont le coût est porté par les autres actions. (Les options ne créent pas de richesse, la valeur qu’elles offrent à certains représente un coût pour d’autres).

La famille Bouygues2 en annonçant dès le départ qu’elle n’apporterait pas ses actions à l’offre a abandonné le bénéfice de se faire racheter une partie de ses actions à 30 € au profit des autres actionnaires, ce qui représente un cadeau de plus de 60 M€3.

À noter que si les salariés actionnaires via les plans d’épargne ne suivent pas non plus l’offre, le cadeau global fait à l’ensemble des autres actionnaires est de 127 M€.

Certains argueront que le rachat de ses actions à un prix qui serait inférieur à leur valeur permettra à Bouygues de créer de la valeur et donc in fine à la SCDM de s’enrichir… Quoi qu’il en soit il n’en demeure pas moins que l’OPRA se traduit bel et bien par un cadeau de la famille Bouygues aux autres actionnaires. Pour preuve la SCDM aurait pu arriver au même résultat, à savoir une augmentation de 2,5 points de sa participation dans la société Bouygues avec dans le même temps une diminution du cash disponible de Bouygues à hauteur de 1,25 Md€, tout en récupérant une somme significative en cash. Si au lieu de passer par une OPRA la SCDM avait acquis sur le marché 2,5 % du capital, le prix d’achat, compte tenu de la très bonne liquidité du titre, aurait pu se situer à un prix légèrement supérieur au cours de 23,09 € observé au moment de l’annonce de l’offre. Une distribution exceptionnelle de dividende de 1,25Md€ aurait rapporté à la SCDM un montant net de l’ordre de 259M€4 très supérieur au prix de revient des 2,5 % des actions Bouygues. Sur la base d’un prix de rachat de 23,09 € par action, on retrouve bien le cadeau fait par la SCDM aux autres actionnaires au frottement fiscal près, puisque la montée au capital par la SCDM au niveau permis par l’OPRA lui aurait laissé une trésorerie supplémentaire de 56,3 M€.

Si on retient prudemment un prix de revient moyen des actions rachetées par la SCDM sur le marché de 25 €, le différentiel de cash en faveur de la SCDM par rapport à l’OPRA aurait été tout de même de 39,5M€. L’OPRA correspond bien à une perte de valeur pour la famille Bouygues au bénéfice des autres actionnaires.

On comprend ainsi aisément que les actionnaires réunis en Assemblée Générale Extraordinaire aient voté à plus de 98 % les résolutions permettant le lancement de l’OPRA.

[tabs slidertype= »top tabs »][tabcontainer] [tabtext]1.[/tabtext] [tabtext]2.[/tabtext] [tabtext]3.[/tabtext] [tabtext]4.[/tabtext] [/tabcontainer] [tabcontent] [tab]1. Lire les communiqués de Bouygues du 31 août 2011 et du 4 octobre 2011.[/tab] [tab]2. Via la SCDM, le holding familial qui détient 18,63 % du capital de Bouygues.[/tab] [tab]3.  Sur la base du cours de clôture de 23,09€ la veille l’annonce, puisque 11,7 % des actions sont valorisées 30 €, les 88,3 % restantes ne valent plus, toutes choses égales par ailleurs, que 22,17 €, soit une baisse de 0,92 € par action. En renonçant à sa quote-part d’options de vente à 30 €, la SCDM voit son patrimoine actionnarial passer, toutes choses égales par ailleurs, de 1,53 Md€ (18,6 % de la capitalisation boursière de Bouygues) à 1,47 Md€ (21,1% de la même capitalisation boursière amputée de 1,25 Md€ de trésorerie).[/tab] [tab]4. Le montant net de 259M€ est estimé après un impôt de l’ordre de 4,4M€ en supposant que les actions Bouygues sont détenues par la SCDM dans le cadre du régime mère fille.[/tab][/tabcontent] [/tabs]