Luxembourg, Irlande… L’avantage du petit pays au sein d’une communauté de paix
L’Union européenne, malgré la guerre en Ukraine, reste encore une zone de paix et de libre circulation des capitaux et des hommes. Du coup, y être un petit pays offre deux gros avantages :
- Adopter des taux d’impôt plus bas que ses (grands) voisins ne fait pas baisser les recettes fiscales. Cela les augmente.
- Quantité de services publics provient gratuitement de ces voisins.
Le premier avantage tient à ce que la perte de recettes liée à la baisse du taux d’impôt par rapport à ses voisins (l’effet revenu) est compensée au-delà par l’apport de base imposable venue de l’étranger, attirée par les taux bas (l’effet substitution). Le Luxembourg en est, avec l’Irlande, le cas le plus marqué.
On en juge par le tableau suivant :

France et Allemagne ont les taux d’IS les plus élevés et pourtant les recettes d’IS en proportion du PIB les plus basses.
Pour l’Irlande, l’effet de substitution domine très clairement l’effet revenu : le pays est une pompe aspirante de profits venus du sol européen qui se relocalisent en Irlande. Le cas du Luxembourg est plus spécifique. L’effet de substitution ne passe pas par l’IS, relativement élevé, mais par l’avantage fiscal donné à l’imposition des plus-values. Par ailleurs, une très grande partie de l’industrie de la gestion de l’épargne se localise au Luxembourg, et celle-ci a des bénéfices très élevés au rendement fiscal important. Tout n’est pas bien sûr optimisation fiscale et l’industrie financière du Luxembourg a acquis désormais une haute technicité dans ce domaine (effet cluster). Mais l’impôt a aidé et aide.
Un grand pays n’a pas ce luxe. S’il baisse les impôts par rapport à ses voisins, il fera certes rentrer de la matière fiscale étrangère et évitera des sorties, mais dans une proportion faible par rapport à la base fiscale domestique. Il y a là donc une « malédiction du grand pays » dans une zone politique pacifique mais non ou peu coopérative.
Un avantage aussi du côté des dépenses publiques
Côté dépenses, le petit pays profite plus que le grand pays de son insertion dans le bloc économique et politique auquel il appartient. Le Luxembourg profite par exemple des réseaux routiers, ferroviaires ou électriques de ses voisins : il construit les quelques kilomètres de voie qui conduisent à sa frontière ; la France ou l’Allemagne les centaines qui conduisent à Paris ou Cologne. Pourtant, à chaque fois, les deux partenaires profitent à parts égales du service de transport rendu. Même chose pour le budget de la défense nationale, disons avant l’offensive de Trump. Personne n’envisage l’Allemagne menacer le Luxembourg. Même chose aussi pour celui de l’éducation supérieure.
Au total, le petit pays est une sorte de passager clandestin du bateau européen et ses citoyens en tirent un niveau de vie et de patrimoine plus élevé qu’ailleurs, le record appartenant de très loin aux Luxembourgeois (125 K€ de PIB par tête en 2024, contre respectivement 99 K€, 51 K€ et 42 K€ pour l’Irlande, l’Allemagne et la France). Ce qu’on vient de voir pour l’Irlande et le Luxembourg vaut à un degré moindre pour des pays de taille moyenne, comme la Belgique ou les Pays-Bas.
Quels enseignements ?
D’abord, il se crée des forces centrifuges puissantes au sein de l’Union. Si le Luxembourg profite de ces transferts, pourquoi pas d’autres ? Chypre par exemple ? N’est-ce pas aussi une incitation à la sécession, comme en ont été tentées un temps la Catalogne, la Flandre ou l’Ecosse.
Deux, la compétition fiscale sape inexorablement la capacité du grand pays à user de l’État comme d’instrument de protection sociale. Un certain degré de compétition fiscale est utile si cela pousse à un usage parcimonieux des fonds publics. Mais ceci vaut pour des pays ou régions de taille comparable, pour ne pas subir la malédiction du grand pays.
Trois, c’est un argument fort pour faire monter en charge le budget de l’UE et donc progressivement accroître le degré de redistribution au sein de l’Union.
Cet article est la version actualisée d’un article publié sur Vox-Fi le 16 janvier 2017.



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