Mesurer la compétitivité hors prix
Le graphique de la semaine est un tableau. Tiré d’une excellente note du Conseil d’analyse économique de mai 2015, au titre évocateur « A la recherche des parts de marché perdues », par Maria Bas, Lionel Fontagné, Philippe Martin et Thierry Mayer.
Les auteurs pointent les problèmes des entreprises françaises à l’export. Comme dans les autres pays européens, elles perdent des parts de marché, ce qui est normal sachant la montée en régime des pays émergents sur les marchés export et le fait qu’elles sont spécialisées sur l’Europe. Mais elles en perdent sensiblement plus vite que les grands pays comparables, notamment en Europe. Ainsi, la part de la France à l’export était de 5,1% en 2000 et de 3,5% aujourd’hui. Les mêmes chiffres sont resp. de 7,9% et de 7,4% pour l’Allemagne, et de 2,1% et de 2% pour l’Espagne (mais resp. 5,1% et 3,6% pour le Royaume-Uni, un pays dont on vante les performances).
L’effet géographique nous est défavorable comparé à l’Allemagne qui a des positions fortes par exemple en Chine, mais l’effet produit, contrairement à l’intuition, joue en sens inverse. Au total, ce n’est pas la structure produit / pays de notre commerce extérieur qui pèse sur les performances françaises, mais bien la perte de compétitivité « pure », c’est-à-dire le facteur prix (être moins cher que le concurrent) et le facteur hors-prix (qualité, attractivité, réactivité, etc.).
Le facteur prix joue le rôle le plus important dans la dégradation des performances françaises, mais avec une surprise qu’on lit dans ce que j’appellerais la règle des quatre-quarts des couts des exportations françaises : un premier quart (23% pour être précis) tient aux couts salariaux directs des entreprises exportatrices ; le second (21%) tient aux couts salariaux contenus dans les consommations intermédiaires des mêmes entreprises. Le reste, 56%, se partage à peu près par moitié entre le cout des imports qui rentrent dans nos exportations et au cout des services, directs et indirects. La compétitivité demande donc un effort global de l’économie et dépendra tout autant des salaires versés que de la façon dont on arrive à limiter la dérive des prix dans le logement, les services administratifs (payés par impôt) ou à utiliser une bonne intégration dans les chaines de valeur internationales, en sachant importer pas cher.
Les auteurs enfin développent une méthode pour tenter de montrer le rôle de la compétitivité hors couts. Ils le font secteur par secteur, et arrivent à ce tableau de comparaison entre la France et l’Allemagne. On voit que l’Allemagne place en numéro 1 en compétitivité hors couts ses dix premiers secteurs exportateurs. La France a des positions bien moindres.