Dans un contexte où les directions financières sont de plus en plus sollicitées pour produire des analyses complexes dans des délais réduits, la modélisation financière constitue un outil d’analyse particulièrement adapté.

« Quel serait l’impact sur votre trésorerie de fin d’année d’une baisse de 5% du chiffre d’affaires au dernier trimestre ? » Pour répondre à ce type de questions cruciales, la plupart des directeurs financiers réalisent quelques produits en croix dans un tableau excel. Néanmoins, le résultat obtenu est peu fiable car il ne prend pas en compte l’ensemble des impacts (diminutions des coûts, variations du BFR, etc.). Certains directeurs financiers parviennent cependant à obtenir une réponse précise à cette question. Pour cela, ils utilisent un outil puissant et particulièrement adapté à ce genre d’analyse : le modèle financier.

Qu’est-ce qu’un modèle financier ?

Un modèle financier est un outil qui permet de prévoir l’évolution du compte de résultat, du bilan et des flux de trésorerie futurs en fonction de différents scénarios et hypothèses clés.

Une expertise technique et financière. La modélisation financière consiste à mettre en équations les principaux flux financiers de l’entreprise. Avec pour objectif, par exemple, de réaliser un business-plan flexible ou d’évaluer la rentabilité d’un projet d’investissement à partir de simulations de scénarios. Le modèle s’impose naturellement au directeur financier dès lors que la complexité des analyses souhaitées et la multitude des facteurs entrant en ligne de compte rendent l’utilisation des progiciels de gestion standards inadaptée. Excel, dont la puissance et la flexibilité de développement sont inégalées, s’est logiquement imposé comme le support le plus approprié pour la modélisation financière. En effet, le modèle financier est un outil d’informatique décisionnelle (ou business intelligence) intégralement réalisé sur-mesure et qui a vocation à évoluer pour répondre au mieux aux besoins de la direction financière.

Une pratique en développement. L’engouement actuel des directeurs financiers pour la modélisation financière s’explique par trois facteurs principaux :
un environnement incertain qui oblige à anticiper différents scénarios à chaque analyse ;
une quantité croissante d’informations et de données à prendre en compte dans les décisions de gestion ;
des délais de plus en plus réduits qui impliquent l’automatisation de certaines analyses.

Quand utiliser un modèle financier ?

Le modèle financier est particulièrement adapté aux analyses complexes et lorsqu’il faut intégrer un nombre élevé de paramètres à prendre en compte. Voici quelques cas concrets d’utilisation de modèle financier.

Plan stratégique. Lors de la construction d’un plan stratégique, le modèle financier est particulièrement utile car il offre une flexibilité bien supérieure aux systèmes de consolidation (magnitude, Hyperion…). Chez France télécom, par exemple, le modèle financier groupe permet de modifier les trajectoires financières ou non financières remontées par les unités d’affaires dans les systèmes d’information. Il est ainsi possible d’étudier des scénarios alternatifs ou d’évaluer l’impact potentiel d’un événement. Le modèle facilite également le dialogue entre les pays et les fonctions centrales en offrant une vision synthétique des hypothèses structurantes et de leurs conséquences sur la profitabilité et la trésorerie dans les différents pays.

Modélisation de la dette consolidée. Pour le trésorier, la modélisation financière peut s’avérer également utile afin de suivre certains indicateurs de performance, liés à la dette du groupe, qui ne sont pas intégrés dans le logiciel de consolidation. Chez eDF par exemple, la modélisation financière de la dette consolidée du groupe a abouti à la réalisation d’un outil de suivi sur-mesure qui permet l’analyse des coupons, de la maturité, du détail part fixe-part variable de tous les instruments financiers au niveau consolidé ainsi qu’au niveau des filiales. La consolidation d’informations en provenance des nombreuses filiales devient instantanée grâce au modèle, allégeant ainsi de manière significative la charge de travail en période de clôture.

Prévisions de trésorerie. En période de crise, et donc d’attention particulière portée à la trésorerie, le modèle financier permet de bâtir une prévision pré-cise des flux financiers futurs. Grâce au modèle financier, le trésorier ou le contrôleur de gestion appréhende les particularités des flux financiers de l’entreprise (par exemple : une reconnaissance du chiffre d’affaires complètement déconnectée de son encaissement, une loi de décaissement atypique pour un programme d’investissement, etc.). La réalisation d’un modèle sur-mesure devient dès lors nécessaire pour prévoir les besoins ou la génération de cash ainsi que les bilans futurs, qui serviront de base au choix optimal des solutions de financement.

La modélisation financière en trois étapes

Comment modéliser efficacement ?

Organiser les flux financiers d’un projet complexe nécessite, d’une part, une bonne compréhension des interactions entre compte de résultat, bilan et flux de trésorerie, et d’autre part, une grande rigueur dans la manipulation d’excel. Trop souvent, une direction financière utilise un fichier excel qualifié « d’usine à gaz » développé « il y a plusieurs années » par une personne qui a, depuis, « disparu dans la nature ». Pour assurer la fiabilité, la pérennité et l’efficacité du modèle (qualités qui en font un outil d’informatique décisionnelle), un modeleur doit respecter certaines bonnes pratiques élémentaires.

La forme au service du fond. Le constat est flagrant : plus le modèle sera présenté clairement, plus son contenu sera efficace. Il faut éviter les formats originaux et plutôt structurer industriellement les onglets de manière identique. Enfin, on ne doit pas oublier que des tableaux et graphiques à la forme irréprochable sont d’une part plus fiables et d’autre part plus convaincants.

Quelles données d’entrée, quelles données de sortie ? Il faut définir en amont les variables d’entrée (drivers ou input) et de sorties (key performance indicators ou output). Ne pas hésiter à utiliser un code couleur dans les formats et rassembler toutes les hypothèses sur un onglet dédié. Nommer les cellules assure une lecture plus fluide des formules.

Plus la modélisation est complexe, plus il faut faire simple. La puissance d’un modèle financier ne se mesure pas à sa sophistication ni à la complexité technique qui a été nécessaire à sa réalisation. Bien au contraire, un modèle financier efficace est un modèle simple et ergonomique.

Décomposer vos formules. Il convient de travailler en modeler et non pas en spreadsheeter : ne pas chercher à construire un modèle sur un tableau unique rempli de formules complexes. Il faut décomposer les formules en blocs distincts, organisés sur plusieurs onglets pour gagner en clarté, en fiabilité et en traçabilité.

Pas de boîte noire ! On ne doit rentrer aucun montant « en dur » dans une formule. Un modèle financier doit pouvoir s’auditer facilement. cela permettra de le faire évoluer rapidement et de garantir sa justesse.

Contrôle qualité. Formats de cellules définis, lignes et colonnes protégées, bouclages : il convient de s’assurer que le modèle est à la hauteur des exigences de qualité. On peut également concevoir des macros qui vérifient l’homogénéité et l’intégrité de vos données, et qui génèrent des rapports d’erreurs automatiquement.

Le partage de l’information. Au cours de sa vie, un modèle financier sera utilisé par plusieurs collaborateurs. Afin de garantir la transmission du savoir, il faut penser, dès le début de la construction, à documenter les modèles. Il est possible également de rédiger un guide utilisateur ou inclure un onglet de description de l’architecture du modèle en début de classeur.

Comment aller plus loin ?

Les nouvelles versions d’Excel. D’un point de vue technique, les possibilités grandissantes d’Excel constituent une opportunité importante pour la modélisation financière. Par exemple, la dernière édition (version 2010) du tableur de Microsoft permet de manipuler un nombre illimité de lignes.

Interaction avec les systèmes d’information. Dans certains cas, les modèles financiers peuvent également être directement connectés aux systèmes d’information de l’entreprise : à partir d’interfaces simples, l’utilisateur peut récupérer des données depuis les systèmes de reporting standard et alimenter le modèle avec ces données.

Les simulations statistiques. Le modèle financier peut gagner en pertinence lorsque son utilisation est couplée à une approche probabiliste (par exemple, une approche monte carlo pour simuler une quantité importante de scénarios).

 

Ce post est une reproduction d’un article publié dans la revue échanges datée de mars 2011.