En à peine trois mois, notre économie est passée par trois phases successives : des difficultés logistiques tout d’abord en février, avec l’arrêt des expéditions de produits chinois ; une crise de l’offre ensuite en mars avec la fermeture des commerces et l’arrêt de l’activité de nombreuses entreprises industrielles et de service ; une crise de la demande enfin à partir du mois d’avril. Aujourd’hui où en sommes-nous ?

L’offre tend à être à nouveau progressivement disponible, mais avec des coûts supplémentaires liés à la distanciation physique. La demande est à la fois faible et disparate : certains secteurs sont en surchauffe (alimentation bio, matériel de protection, équipements et logiciels de communication, e-commerce, etc.) alors que d’autres ont du mal à repartir (habillement, automobile, biens d’équipement et construction, projets d’investissement des entreprises…) car les clients sont rares.

Contrairement à la plupart des crises passées, celle-ci n’est pas monétaire mais concerne notre appareil productif, industriel comme tertiaire, qui doit se transformer au plus vite. Il fait face à la fois à la hausse de ses coûts, à une modification de la demande et, dans l’avenir pour beaucoup de secteurs, à l’accroissement de la concurrence mondiale. Tous les pays sont confrontés aux mêmes difficultés et la compétition va s’intensifier.

C’est typiquement la situation de « retournement » que, toutes proportions gardées, de nombreuses entreprises rencontrent régulièrement. Les règles managériales qui s’appliquent pour ces entreprises en difficulté concernent aujourd’hui des secteurs entiers de l’économie. Les pouvoirs publics, naturellement concernés par la reprise, doivent en tenir compte. Ces règles sont au nombre de quatre.

Il s’agit d’abord d’agir vite et de ne pas anticiper les « bonnes nouvelles » (traitement médical efficace, vaccin) dont on ne connaît de façon certaine ni la date, ni même les chances de réalisation. Il faut en particulier se comporter comme si les mesures « barrières » devaient perdurer.

 

Ce sont les produits et services actuels qui sont les mieux à même de conserver à court terme leur marché

 

Il s’agit ensuite de se concentrer sur le savoir-faire existant et refuser d’amorcer des diversifications ou des ruptures technologiques : ce sont les produits et services actuels qui sont en général les mieux à même de conserver à court terme leur marché. Les entreprises doivent travailler sur leur compétitivité en prix, en qualité, en disponibilité. Dans les cas où l’aide publique est nécessaire, elle ne sera pas monnayée en imposant des nouvelles contraintes énergétiques ou environnementales. L’Etat n’aura qu’un seul objectif : le retour des entreprises à l’équilibre financier aussi rapidement que possible.

L’amélioration de la productivité et la maîtrise des coûts constituent la troisième priorité : on ne doit pas compter sur l’augmentation hypothétique des ventes pour redevenir compétitifs. Le maintien d’emplois qui ne sont pas nécessaires, quand bien même le coût en serait financé par l’Etat, n’est sain ni pour l’entreprise ni pour les salariés concernés. De même, le coût des contraintes sanitaires devra nécessairement être compensé. Il ne faudrait pas que cette nouvelle charge, par la hausse des prix, réduise le pouvoir d’achat des ménages en France ou bien handicape nos exportations.

Enfin la dernière règle est de limiter le retournement aux entreprises pour lesquelles la mise en oeuvre des mesures précédentes va permettre, avec une forte probabilité, de retrouver rapidement un cash-flow positif. Le soutien des « canards boiteux » coûte, in fine, toujours plus cher à l’Etat que les prestations chômage induites par une fermeture correctement menée.

Ces mesures concernent chacune des 3 millions d’entreprises en France. Les pouvoirs publics doivent leur faciliter la tâche : les aider sans augmenter les contraintes liées à l’environnement ou à la transition énergétique, faciliter les négociations sociales pour tenir compte des normes sanitaires, prendre en charge le coût social des restructurations qui seront parfois nécessaires. Ce sont les conditions pour rétablir rapidement la santé financière et la compétitivité de notre appareil productif.

 

Cet article a été publié le 3 juin 2020 par Les Echos