Les financiers font bien souvent la distinction entre « finance de marché » et « finance d’entreprise ». D’un côté, les traders d’actions, de produits dérivés, la folie des salles de marché, de l’autre, le monde feutré des banques d’affaires et le monde laborieux des directeurs financiers, des comptables, des auditeurs, des capital investisseurs et des banques commerciales…

Du point de vue de la finance d’entreprise, la structure financière de l’entreprise est généralement présentée comme une combinaison de capitaux propres et d’endettement financier. Dans ce cadre, les grandes décisions qui touchent à la structure financière font l’objet de nombreuses théories qui sont aujourd’hui bien connues : théorie de l’agence, du signal, de la préférence hiérarchique, etc.

Cette décomposition du financement de l’entreprise en fonds propres et dettes est d’autant plus commode que la technologie d’évaluation disponible pour estimer la valeur de ces deux composantes repose fondamentalement sur un seul et même mécanisme : l’actualisation des flux futurs à un taux ajusté pour le risque. Au total, la finance d’entreprise constitue un cadre théorique relativement cohérent et bien maîtrisé pour le décideur financier.

Jusqu’à la fin des années 1990, les options financières sont restées à la marge de ce corpus théorique, les décideurs financiers les mettant intuitivement dans la catégorie des « instruments de marché » et, à quelques exceptions près (la gestion du risque de change ou les stock-options des dirigeants, par exemple), les décideurs financiers n’étaient finalement pas ou peu confrontés à ces actifs financiers exotiques.

Avec la financiarisation de l’économie, le développement des marchés de produits dérivés a facilité l’accès aux options financières ; celles-ci font désormais partie du quotidien du décideur financier. Ainsi, elles sont devenues une composante à part entière de la structure financière des entreprises, que ce soit à travers les bons de souscription ou les actions de préférence, mais aussi les instruments de dettes hybrides, comme les obligations convertibles. Dans le même temps, les options financières sont devenues une clause essentielle des contrats d’acquisition (à travers les fameux puts et calls qui assurent la liquidité des titres).

Si les options financières se sont répandues en « finance d’entreprise », elles restent malheureusement vues par de nombreux décideurs financiers comme des instruments financiers abscons, incompréhensibles au commun des mortels. A ce titre, elles sont mal comprises et l’apport, pourtant essentiel, de la théorie des options à la finance d’entreprise reste largement ignoré.

Or, il n’est pas nécessaire de disposer d’un bagage mathématique important pour bénéficier d’une très grande partie des apports théoriques et pratiques fournis par les produits optionnels. C’est la vocation de l’ouvrage « Options et finance d’entreprise »[1] que nous venons de publier et qui vise à initier le lecteur non spécialiste (cadres d’entreprise, consultants financiers, banquiers d’affaires, banquiers prêteurs et assureurs, mais aussi étudiants de niveau Master à l’université, en école de commerce ou en école d’ingénieur) aux fondements et enjeux de la théorie des options. Notre objectif est également de montrer en quoi le raisonnement « optionnel » est indispensable dans le quotidien des décideurs financiers que ce soit pour gérer leur risque, prendre une décision de financement ou d’investissement.

Nous vous proposons ainsi dans le cadre de deux épisodes à venir de « lire » le bilan par le prisme des options et ensuite d’expliquer pourquoi la valeur des fonds propres d’une société n’augmente pas mécaniquement du montant généré par une augmentation de capital.

 

[1] Option et finance d’entreprise, Thomas Bouvet et Henri Philippe, Economica 2016.