Parution comme chaque année à la reprise de septembre du « Finance d’entreprise », dit encore le Vernimmen, toujours géré efficacement par Pascal Quiry et Yann Le Fur. Le Vernimmen figure déjà sur l’étagère (solide, parce qu’il est lourd, sauf à opter pour l’édition numérique en ligne) de la plupart des responsables financiers en entreprise. Mais chaque édition annuelle met soigneusement à jour les données et les graphiques, et ajoute régulièrement un nouveau chapitre. De sorte qu’il est peut-être nécessaire de mettre au rencart l’ancienne édition.

Justement ! L’édition 2016 ajoute un intéressant chapitre sur la bonne stratégie immobilière de l’entreprise. Doit-elle par exemple détenir en propre ou louer son immobilier d’exploitation ? En voici un court extrait.

Les actifs immobiliers d’une entreprise ne sont pas homogènes, ils peuvent être classés en plusieurs catégories :

  • les actifs opérationnels spécifiques de l’entreprise dont la localisation est clef : l’immeuble des Galeries Lafayette boulevard Haussmann par exemple ;
  • les actifs banalisés pour lesquels le déménagement de l’entreprise n’entrainerait pas d’impact significatif. Sont notamment inclus dans cette catégorie les immeubles de bureaux ;
  • Les actifs d’exploitation non stratégiques ou dont le groupe n’est pas convaincu de la pérennité.

Les premiers présentent une valeur pour l’entreprise au-delà du chiffre d’affaires généré : valeur d’image, de marque. Par ailleurs, la société souhaite souvent, pour ce type d’actif, être libre de restructurer l’immeuble, de choisir ses voisins (co-exploitants)… Seule la pleine propriété ou éventuellement le crédit-bail (qui n’est qu’une pleine propriété différée) permettent de garantir cette flexibilité. Par ailleurs, même si l’hypothèse peut souvent paraitre théorique (notamment du fait de l’indemnité d’éviction qui serait due), on ne peut pas totalement exclure le non renouvèlement d’un bail, d’où une préférence pour la propriété.

Si un certain nombre d’opérations dans les années 2000 avaient abouti à un démembrement de la propriété et de l’exploitation (stratégie d’asset-light), on observe aujourd’hui la tendance inverse : certains groupes industriels cherchent à reprendre la propriété d’actifs dont l’activité sous-jacente est la plus performante (Accor). Inversement certains groupes fonciers ayant acquis la propriété de murs cherchent à reprendre le fonds de commerce et/ou l’exploitation (Foncière des Murs). La raison en est simple : dans bon nombre de secteurs, un immeuble n’a de valeur que de par les loyers que le locataire peut payer. Si le locataire améliore significativement son compte de résultat par ses actions commerciales, sa gestion et son travail de rénovation, il pourra payer plus de loyers variables au propriétaire qui bénéficie de la progression de la valeur de l’immeuble alors que ce dernier n’y est pour rien. C’est presqu’un passager clandestin (voir paragraphe §30.20). Autant alors pour le gestionnaire de l’activité opérationnelle posséder aussi les murs pour ne rien perdre de cette création de valeur.

Pour les immeubles banalisés, la flexibilité opérationnelle a peu d’intérêt et le groupe peut négliger généralement les problématiques opérationnelles dans le choix d’un mode de détention. Le choix entre propriété et un mode de location se résume alors à un pur arbitrage financier.

Pour les actifs non stratégiques ou non pérennes dans le groupe, la flexibilité est maximisée par la location. Cela permet au groupe d’arbitrer plus facilement entre les localisations et accroit l’univers des acquéreurs potentiels en cas de cession de l’activité (car le montant à débourser est réduit). S’instaure alors entre le vendeur qui reste dans l’immeuble en tant que locataire et l’acheteur un jeu qui porte sur la durée du bail et sur la probabilité que le locataire ne renouvèle pas son bail. Le nouveau propriétaire des murs sera perdant si le locataire reste finalement moins longtemps qu’il ne l’avait espéré car il doit alors encourir des frais de recherche d’un nouveau locataire, des investissements de remise à niveau, des mois de vacances de location sans loyer perçu.