Lors de la matinée débat « IFRS et PME » organisée en mars par l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) et PricewaterhouseCoopers, les préparateurs des comptes en entreprise (les directeurs financiers) ont clairement conclu que le référentiel comptable français ne pouvait pas devenir un « village gaulois » au sein des normes internationales. Tout en acceptant de suivre les recommandations de l’Autorité des normes comptables, la DFCG considère que nos normes comptables doivent évoluer et prendre en compte l’environnement international.

Pour preuve, les récentes déclarations autour du traitement comptable de la contribution sur la valeur ajoutée en entreprise (CVAE) : considérée en charges dans notre référentiel français, en impôt en IFRS et US GAAP, le traitement différencié de la CVAE va mécaniquement fausser la perception de la performance de l’entreprise. Et que dire du crédit-bail immobilier systématiquement relégué hors bilan dans les comptes sociaux ? Il serait naturel de comptabiliser le bien financé en immobilisation avec une contrepartie de dette ; c’est bien ce que font les banques lorsqu’elles « retraitent » le bilan fiscal de leurs clients entreprises, preuve que la présentation actuelle trop patrimoniale ne leur convient pas…

L’argument actuellement le plus souvent avancé à l’encontre des normes IFRS est celui de l’utilisation de la juste valeur dont l’application aux comptes des banques a rapidement mis en exergue les problématiques financières et a été, dans un contexte très particulier, un élément accélérateur de la récente crise financière. Alors que les grandes entreprises cotées ont déjà basculé vers les IFRS sans possible retour en arrière, la place réelle de la juste valeur dans les bilans de nos PME, à grande majorité dans les services, est-elle suffisamment significative pour justifier le refus du changement ? Que dire également de l’argument concernant les difficultés de passage entre comptabilité sous IFRS et fiscalité française ? Tout directeur financier de la filiale d’un groupe étranger prépare déjà un tableau de passage des normes IFRS ou US GAAP vers les normes comptables et fiscales françaises ; tout autre directeur financier saura aussi bien le réaliser !

D’aucuns produiront toujours des arguments pour refuser tel ou tel changement, mais le pire demeure bel et bien l’immobilisme. Notre référentiel comptable doit s’adapter à l’environnement économique international, aux transactions de plus en plus complexes, à la demande accrue de transparence… mais avant tout, il doit présenter la réalité économique des transactions réalisées par l’entreprise, en privilégiant la « substance » par rapport à la forme. L’évolution permanente de ces normes internationales (par comparaison à celle de notre référentiel), la complexité de certaines d’entre elles ou les problèmes de confidentialité peuvent constituer un frein à leurs applications, mais les normalisateurs peuvent soit gérer des périodes de transition, soit être force de proposition pour une simplification. La modernisation de nos normes ne signifie pas nécessairement l’acceptation sans limites de toutes les dispositions IFRS, mais simplement la possibilité donnée aux entreprises de refléter dans leurs comptes la réalité économique des opérations, avec des standards de qualité.

La DFCG est consciente des enjeux des normes comptables pour la bonne mesure de la performance et de la situation financière de l’entreprise. Ainsi continuera-t-elle de prôner l’anticipation contre l’immobilisme, la formation par l’échange d’expériences, le groupe de travail comme partage des savoirs… D’ailleurs, la parution prochaine d’un livre issu d’un groupe de travail de la DFCG sur la « Pratique du chiffre d’affaires en IFRS » en est un exemple. Cet ouvrage permettra enfin de donner un éclairage économique sur la première ligne du compte de résultats. Les financiers d’entreprises, véritables préparateurs des comptes, sont les principaux vecteurs de la diffusion et de l’application des bonnes pratiques comptables.

Les normalisateurs comptables doivent prendre acte du fait que la DFCG est la plus importante association des financiers d’entreprises. Il conviendrait donc que sa légitimité soit enfin reconnue, intuitu personae, dans les instances comptables au plus haut niveau, pour participer au débat, pour anticiper le changement et pour former les préparateurs des comptes en entreprise. Comment la lui refuser ?

 

Article original paru dans Option Finance le 18 mai 2010