Note : refinancement des banques commerciales auprès des banques centrales italienne et espagnole, comparé au reste du refinancement vis-à-vis de l’Eurosystème et à l’excédent de liquidité.
Durant cette période, la liquidité a été fournie par l’Eurosystème en majorité aux banques des pays les plus exposés aux tensions financières (Espagne et Italie notamment, cf. Graphique 2). Mais, dans un contexte de gel du marché interbancaire (forte hausse de la perception du risque entre banques) et de « fuite vers la qualité » (préférence des investisseurs pour les titres les plus sûrs, notamment dans les pays considérés comme « cœur »), elle s’est ensuite accumulée dans les systèmes bancaires de quelques pays seulement (en particulier Allemagne, Pays-Bas, France, Finlande et Luxembourg, qui ont ainsi concentré à eux cinq plus de 80 % de l’excédent de liquidité à partir de 2009).
À partir de 2015 : effets prédominants du programme d’achat de titres de l’Eurosystème
Alors que l’excédent de liquidité a fortement décru après 2012, parallèlement à l’apaisement des tensions financières, il a recommencé à croître, pour des raisons très différentes, à partir de mars 2015 (cf. Graphique 1), à la suite du lancement du programme étendu d’achat de titres (APP) de l’Eurosystème. Cette fois l’excédent de liquidité est la conséquence mécanique de l’action de l’Eurosystème et ne reflète pas une augmentation des tensions financières.
L’excédent de liquidité a également été alimenté par de nouvelles opérations de refinancement d’envergure, à quatre ans (TLTRO), mais sa hausse à partir de 2015 est en grande partie expliquée par l’injection massive de liquidité opérée dans le cadre du programme d’achat de titres.
Les tensions financières et l’aversion au risque ayant fortement diminué, on aurait pu s’attendre à ce que la répartition de la liquidité soit désormais plus homogène, en lien avec la clé de capital de la BCE, qui détermine la répartition des achats de titres de l’Eurosystème entre les pays d’émission. Comme illustré par le Graphique 1, ce rééquilibrage ne s’est pourtant pas produit, la liquidité restant concentrée dans les cinq pays.
Une première raison tient à la persistance de rendements des titres souverains relativement élevés dans des pays comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal, qui ont pu inciter les banques de ces pays à investir dans ces titres, plutôt que de déposer leur liquidité à un taux moins rémunérateur auprès de la banque centrale. À mesure que les rendements des titres souverains de ces pays ont baissé, cet arbitrage a pu disparaître, conduisant à un report des investissements des banques en question vers des titres davantage rémunérateurs, émis pour une bonne part hors de la zone euro (d’où une augmentation tendancielle des flux de liquidité se dirigeant vers les centres financiers des pays « cœur »).
Rôle de la géographie des comptes des contreparties de l’Eurosystème
Une seconde raison, plus structurelle, tient aux flux de liquidité induits par les achats conduits par l’Eurosystème auprès de contreparties hors zone euro, dont les comptes de règlement se trouvent concentrés essentiellement dans les centres financiers de quelques pays de la zone euro.
Le graphique 3 indique ainsi que l’APP a entraîné des flux de liquidité importants vers les comptes ouverts en Allemagne et, dans une moindre mesure, en France. La circulation de liquidité semble ensuite avoir lieu vers un nombre limité de pays, notamment vers les Pays-Bas. Le Luxembourg est quant à lui un pôle financier majeur, avec la présence de nombreux gestionnaires d’actifs. Quant à la Finlande, elle concentre notamment les comptes des institutions scandinaves hors zone euro. Cela confirme qu’après 2015, la polarisation des flux de liquidité vers quelques pays « cœur » n’a pas tenu à une recrudescence de l’aversion au risque mais aux choix des principales contreparties de l’Eurosystème.
Graphique 3 : Redistribution de la liquidité induite par l’APP, de l’achat des titres à l’excédent de liquidité par pays
Sources : BCE (2017)