Le premier besoin de financement des PME est créé par le crédit qu’elles doivent faire à leurs clients. Et donc la première manière d’aider le financement des PME, c’est de les aider à revendre ces créances sur leurs clients. Malheureusement, la France est dans une situation originale, qu’elle ne partage qu’avec trois autres pays au monde : le Portugal, la Grèce et le Danemark. Elle considère le rachat des créances commerciales comme un crédit, et donc  relevant du monopole bancaire. En clair, si une non-banque peut sans nulle contrainte acheter une obligation émise par l’entreprise ou tout actif non financier qu’elle détient, il lui est illégal d’acheter une créance commerciale (sauf si elle est en phase de recouvrement).

 

Dans une conjoncture où les entreprises peinent à trouver du financement bancaire, cette restriction est très négative pour l’économie : elle empêche la venue de nouveaux acteurs pour intermédier ce financement et d’investisseurs pour y mettre leur argent, sachant qu’il est peu risqué, fongible et à rendement intéressant.  Elle empêche qu’il fasse l’objet d’innovations, comme celles qu’évoque le rapport Charpin de décembre 2012 sur le crédit interentreprises.

 

Soit une entreprise de verrerie qui vend des flacons à L’Oréal avec un crédit client de 60 jours. Que dit le régulateur français si l’entreprise souhaite vendre cette créance ? Il analyse la vente non comme une cession simple, mais comme un prêt qui est fait à l’entreprise avec pour gage la créance commerciale. Et donc sous la loi bancaire. En particulier, cela impose à toute nouvelle entreprise souhaitant se lancer dans l’activité un montant dissuasif de capital pour son démarrage.

 

Cette vision est beaucoup trop étroite. Voici comment raisonne par exemple la Bafin, le régulateur bancaire allemand, pourtant peu suspect de laxisme. Si la vente est parfaite, c’est-à-dire si la cession de la créance ne laisse aucune obligation du côté de l’entreprise cédante, elle considère l’opération non comme un prêt gagé, mais bien comme une vente, à l’égal de ce que serait la vente d’un lot de flacons. S’il demeure par contre un quelconque recours sur l’entreprise qui cède la facture, alors oui, l’opération de rachat est proche d’un crédit gagé sur la créance commerciale. Par conséquent, le rachat de créances (qu’on appelle encore affacturage) peut être exercé en Allemagne par des établissements non bancaires quand il est sans recours. L’affacturage avec recours est du domaine des banques.

 

La plupart des pays ont des réglementations plus favorables encore au développement de cette activité : ils considèrent que tant que le recours sur le cédant reste accessoire, il n’y a pas à proprement parler prêt à l’entreprise cédante. L’acheteur détient essentiellement un bon à payer sur L’Oréal. Le crédit commercial n’est pas un crédit bancaire.

 

Le législateur français a compris récemment qu’il était trop restrictif. Il a donc autorisé les fonds commun de titrisation (FCT). Sous certaines conditions, tout portefeuille de créances commerciales peut être logé dans un fonds qui les finance par émission de titres financiers. Ces titres peuvent alors être acquis par tout un chacun, banque ou non banque.

 

Mais on parle ici de portefeuille de prêts et d’opérations de titrisation nécessairement lourdes et complexes : elles sont intéressantes pour les grandes entreprises, mais inaccessibles pour les petites entreprises ou pour les créances unitaires. Il faut simplifier encore.

 

Il est du rôle du législateur d’aller dans le sens d’un allègement des contraintes, ce qui ne veut pas dire absence de règles et de surveillance. Des entités non bancaires doivent pouvoir rentrer dans ce métier essentiel au financement de l’économie. Des entreprises doivent pouvoir s’échanger des créances commerciales. La loi bancaire doit être modifiée en ce sens.

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Contribution originale parue dans l’Agefi Hebdo du 9 mai 2013.