Pour que les Français parlent bien l’anglais, cessons de doubler les films et séries anglophones
En pratique, l’Europe du Nord est bilingue. Les habitants y parlent la langue du pays, bien sûr — néerlandais, suédois ou finnois — mais aussi l’anglais. Le touriste le constate facilement auprès de l’homme de la rue.
L’explication est aisément donnée par les responsables de l’éducation nationale de ces pays : la télévision ne double pas les émissions importées, séries et films, qui, pour l’écrasante majorité, viennent des pays anglo-saxons ou sont directement tournés en anglais. Quand l’enfant commence l’apprentissage de l’anglais (vers 9 ans aux Pays-Bas), l’accent est mis sur la langue écrite, sachant qu’il maîtrise déjà assez bien la structure des phrases et leur sonorité.
Le graphique qui suit est tirée d’une étude publiée par le NBER. Il illustre parfaitement le point. Sur l’axe horizontal figurent les performances de différents pays en mathématiques ; sur l’axe vertical, les performances en anglais. Les pays marqués en bleu sont ceux dont les séries étrangères à la télévision sont doublées dans la langue locale, et ceux en rouge se contentent de sous-titres.

À l’évidence, certains pays, notamment ceux de l’Europe du Nord, obtiennent de bons résultats dans les deux domaines. Mais il est frappant de constater que la bonne maîtrise de l’anglais est associée au sous-titrage plutôt qu’au doublage. La France n’est pas en bonne place à cet égard.
Tout cela a évidemment des origines historiques : les petits pays sont davantage ouverts culturellement à l’extérieur et leurs langues ont une diffusion internationale plus limitée. La nécessité fait loi. De même, le doublage des films est coûteux et ne peut être amorti sur une population plus réduite. Certes, aujourd’hui, les plateformes de streaming permettent de regarder une série avec l’option de sous-titrage, mais cela reste une simple option.
La réalité est là : les Français ont fait de gros progrès dans la maîtrise de l’anglais, mais le parlent encore mal. Les enfants des familles aisées compensent en partie ce handicap grâce à l’investissement extrascolaire de leurs parents, faisant de la maîtrise de l’anglais un marqueur social supplémentaire. Le coût de la formation à l’anglais des adultes reste prohibitif, et les entreprises rechignent souvent à en assumer le coût via la formation professionnelle.
L’ironie est qu’aujourd’hui, les téléspectateurs absorbent à haute dose la culture américaine et s’imprègnent de ses valeurs, dans ce qu’elles ont de bon et de moins bon, mais en laissant de côté son aspect le plus utilitaire : sa langue. C’est là que se situe la véritable porte vers une attitude critique vis-à-vis de cette impressionnante culture.
Tout ceci, indique l’article cité, doit être interprété comme des effets à long terme. Outre la consommation individuelle des médias par la télévision ou par les plateformes, des effets intergénérationnels sont présents, car les compétences en anglais des parents et des enseignants rejaillissent sur celles des enfants.
Les cyniques diront que l’IA va changer la donne, en rendant encore plus aisé le doublage, puisqu’il pourra être fait dès le stade de la production avec le « lipsing » des acteurs (génération des mouvements des lèvres de l’acteur dans la langue souhaitée) et la génération automatique, avec le timbre de voix de l’acteur, du texte dans la langue cible. Cela risque de dégrader la maîtrise de l’anglais, mais, cynisme à nouveau, aura-t-on besoin de cet apprentissage le jour où la traduction automatique sera ubiquitaire ?
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