Nous remercions Gilbert Gélard pour son aimable traduction.

Vox-Fi a le plaisir de présenter à ses lecteurs de larges extraits en version française, du discours tenu par Hans Hoogervorst, président du Board de l’IAS (International Accounting Standards) lors de la conférence de la Fondation IFRS qui s’est tenu à Zurich le 30 juin 2016. Il indique clairement la priorité qu’auront les questions de communication financière dans le programme de travail du Board pour les cinq prochaines années. Voir ici pour la version anglaise intégrale.

Aujourd’hui, je voudrais vous parler des travaux de l’International Accounting Standards Board (le « Board », IASB) et de la façon dont, grâce à eux, les états financiers ont pu être changés dans le monde entier. Je partagerai aussi avec vous quelques idées sur ce que sera le thème central de nos travaux au cours des cinq prochaines années.

Une information financière en pleine mutation

Toute organisation a besoin d’une définition claire et nette de sa mission. L’année dernière, je menais un groupe de travail dont le rôle était de décrire plus clairement la pertinence des normes IFRS dans l’économie mondiale. Il en est résulté un nouvel énoncé de la mission de la Fondation IFRS. Voir dans cette vidéo de deux minutes l’essentiel de cet énoncé.

Notre mission est bien de développer des normes qui apportent la transparence, la responsabilisation et l’efficacité de l’économie mondiale. Voici à coup sûr un objectif louable. Mais que signifie-t-il en pratique ? Que faisons-nous pour l’atteindre ? Que reste-t-il à faire ?

Lorsque le Board a commencé ses travaux en 2001, ce qui devait être fait apparaissait clairement. Il fallait tout d’abord mettre à niveau les normes comptables internationales précédemment élaborées par l’organisme qui nous avait précédés, le Comité international des normes comptables (IASC). Il fallait ensuite convaincre l’ensemble des pays du monde de faire la transition entre leurs normes nationales vers ces normes internationales.

Quinze ans plus tard, nous avons fait de réels progrès sur les deux fronts. Permettez-moi de le préciser tour à tour.

Une adoption mondiale

Au cours des 15 dernières années, nous avons vu plus de 100 pays faire cette transition vers les normes internationales. L’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Hong Kong et l’Afrique du Sud ont été les premiers pays à adopter les normes IFRS, suivis rapidement par une grande partie de l’Amérique du Sud et de l’Afrique. Ces dernières années ont été celles

d’une Asie embrassant les normes IFRS. Notre recherche interne, qui couvre désormais 143 pays, montre que près de 120 d’entre eux exigent maintenant l’utilisation des normes IFRS pour tout ou partie des entreprises cotées sur un marché financier. […]

Et pour la quasi-totalité des pays qui n’ont pas encore pleinement adopté les normes IFRS, celles-ci sont utilisées sur base volontaire. Par exemple, la Suisse n’impose pas les normes IFRS. Cependant, plus de 90 % des sociétés cotées sur un marché boursier suisse les retiennent. Le Japon est dans une position similaire : plus de 130 entreprises japonaises ont volontairement adopté les normes IFRS ou annoncé des plans pour le faire, soit plus de 30 % de la capitalisation boursière de la Bourse de Tokyo.

Il y a encore du travail à faire avant que l’adoption des normes soit complète dans le monde entier. Parmi les économies du G20, la Chine, l’Inde et l’Indonésie en sont très proches. Aux États-Unis, nous ne prévoyons pas de grands progrès à court terme, mais les normes IFRS peuvent être utilisées par des émetteurs étrangers sur les marchés financiers américains. La direction est claire, de sorte qu’il ne faut pas trop vous inquiéter trop sur le temps que les autres pays mettront à nous rejoindre.

Une qualité améliorée

Tandis que les pays travaillaient à adopter les normes IFRS, nous, le Board, avons été occupés à apporter des améliorations substantielles à la qualité de ces normes. Nous avons bouché les grands trous qui existaient dans l’ancien ensemble de normes et nous y avons introduit d’importantes améliorations. Les projets sur les instruments financiers, la comptabilisation des baux et la constatation du chiffre d’affaires ont été mis au point, tandis que le nouveau contrat d’assurance est en cours d’achèvement.

Ce sont des améliorations significatives dans l’information financière. Cependant, je compatis beaucoup avec tous ceux qui ont eu à faire face à ce changement continu. Vous avez vécu dans une sorte de chantier en construction au cours d’une grande partie de la dernière décennie. La bonne nouvelle est que la majorité des travaux de structure est maintenant terminée. Le chauffage et la plomberie sont maintenant en bonne place.

Oui, il y a encore des lacunes dans nos normes, telles que pour les industries extractives et éventuellement la réglementation des tarifs. Nous continuerons à mettre à jour celles des normes qui subissent l’épreuve du temps. Mais les bouleversements causés devraient être bien inférieurs à ceux connus au cours des 10 dernières années.

Mieux communiquer

Quoi pour la suite ? Sur quoi devons-nous mettre l’accent sur ces prochaines années ? Comme mon deuxième mandat comme président de l’IASB commence demain, c’est le bon moment pour en discuter. […]

Nos normes sont maintenant largement perçues comme étant de haute qualité et leur valeur ajoutée en termes de comptabilisation et d’évaluation ne sont pas sérieusement contestées. Bien que ce soit clairement de bonnes nouvelles, il n’y a pas de place pour la complaisance. […]

Nous devons reconnaître que les préparateurs ressentent parfois l’information financière comme un simple exercice de conformité et que les investisseurs voient dans les états financiers une représentation insuffisamment claire de la performance. Des informations précieuses se retrouvent noyées par une approche « cocher la case » ainsi que sous le poids de données financières mal organisées et mal présentées. De plus en plus, les préparateurs présentent leurs propres mesures de performance indépendamment des normes IFRS. Il s’agit là d’une information plus facile à digérer par les utilisateurs, mais qui peint presque toujours une réalité plus rose et parfois trompeuse. […]

Le Board doit donc travailler davantage à accroître l’efficacité des états financiers en matière de communication. C’est pourquoi nous avons décidé que « Mieux communiquer » sera un thème central de notre travail des années à venir, au travers d’un projet qui porte le nom de « États financiers principaux ». […]

Son objectif sera d’améliorer la présentation des états de la performance financière (résultat net et les autres éléments du résultat global), l’état des flux de trésorerie et l’état de la situation financière, aussi appelé bilan.

Les grandes questions sont ici : dans quelle mesure le Board doit-il fournir une armature plus forte aux comptes de résultat, y compris par utilisation de sous-totaux et agrégats intermédiaires. Actuellement, nous définissons les agrégats de chiffre d’affaires et de bénéfice ou perte, mais très peu de choses entre les deux. On pourrait décider de donner une définition du « résultat d’exploitation » compatible avec les principes comptables. Nous devrions peut-être introduire dans le lexique IFRS certains des termes qui sont aujourd’hui extracomptables, tels que l’EBITDA ou l’EBIT.

Lorsque nous aurons fini notre travail sur le cadre conceptuel, beaucoup de nos correspondants nous ont demandé de développer davantage nos réflexions sur les autres éléments du résultat global OCI (« Other comprehensive income »). Peut-être pourrait-on trouver un meilleur endroit pour des éléments du revenu qu’on classe aujourd’hui en OCI ?

Un autre champ de travail qui améliorerait la communication dans les états financiers serait ce qui est appelé l’« Initiative divulgation » (diclosure initiative). Depuis le début de ce projet en 2013, nous avons déjà fait quelques changements importants pour améliorer la divulgation. Un exemple en est l’amendement à IAS 1- Présentation des états financiers, qui a précisé que les entreprises doivent utiliser leur jugement quand il s’agit de choisir les informations à divulguer dans leurs états financiers. Cela devrait permettre aux préparateurs d’améliorer la qualité et, espérons-le, réduire le volume de leurs divulgations.

Nous finalisons aussi un guide de bonne pratique sur la matérialité qui pourra aider les dirigeants d’entreprise sur la façon de traiter les épineuses questions de matérialité. Il y a encore du travail à faire dans ce domaine, mais les leçons tirées à ce jour du projet Initiative divulgation seront très utiles pour les projets connexes.

Le projet sur les « Instruments financiers ayant le caractère de capitaux propres1 » devrait aboutir à une distinction plus claire entre passifs et capitaux propres. Il devrait contribuer à améliorer la communication tout en respectant les exigences de comptabilisation et de

présentation pour les instruments financiers complexes. Cela devrait améliorer la pertinence à la fois du bilan et du compte de résultat.

Mieux communiquer abritera aussi nos travaux en matière d’information au travers des médias numériques. Nous avons depuis de nombreuses années maintenu « Taxinomie IFRS », un système de classification des dispositions IFRS qui permettra que les états financiers soient étiquetés de manière cohérente dans un format numérique lisible. Beaucoup d’investisseurs utilisent déjà l’information en normes IFRS via des médias électroniques. C’est une pratique qui nous semble devoir se répandre à l’avenir. Actuellement, les investisseurs utilisent souvent des agrégateurs de données, qui ajoutent leurs propres étiquettes et informations rattachées. La question est ici dans quelle mesure nos normes peuvent et doivent répondre à un plus large éventail de besoins en matière de communication électronique. Cette question est reliée à celle de la plus grande armature que nous devrions donner aux états financiers.

Le dernier volet du thème « Mieux communiquer » que je vais aborder aujourd’hui est la question du reporting non financier et du rôle que le Board devrait jouer dans ce domaine. Il y a des centaines d’initiatives qui touchent au reporting non financier. […] C’est un domaine où l’on est encore très loin d’un corps unifié de normes internationales. Le reporting non financier est un sujet pertinent pour nous, mais dans quelle mesure doit-on y participer, ou même prendre un rôle dirigeant dans toutes ces initiatives ? Nous ne prévoyons pas d’élargir le champ de nos travaux de manière significative, mais nous allons jeter un œil nouveau sur cette question.

Mieux communiquer sera un des thèmes dominants ainsi qu’une source d’inspiration pour les années à venir. Cela répondra aux nombreuses demandes qui nous sont revenues via la Consultation sur l’Agenda, et devrait améliorer sensiblement l’utilité de l’information financière pour la prise de décision.

[…]

Conclusion

En résumé, le Board, soutenu par toute la communauté de la normalisation comptable dans le monde entier, a réalisé beaucoup de choses au cours des 15 dernières années. Les objectifs initiaux ont été largement atteints, avec des normes IFRS considérées comme de haute qualité et d’une grande utilité par la grande majorité des pays. Notre attention se tourne maintenant vers des états financiers qui soient de meilleurs outils pour la communication entre entreprises et investisseurs et vers un soutien accru aux pays qui appliquent les normes IFRS.