A l’été 2016, la France transposera la réforme de l’audit voulue par l’Union européenne. Une étape qui doit permettre aux professionnels de se positionner dans un nouvel environnement réglementaire, tout en continuant à assurer aux entreprises les conditions d’accès à des prestations de qualité. Un point sur lequel il convient d’être vigilant.

Un point sur lequel auditeurs et entreprises doivent être acteurs.

 

5 ans. C’est le temps qui aura été nécessaire pour mettre en place la réforme des pratiques d’audit à l’échelle nationale. De la consultation à la promulgation, en passant par les discussions – qui furent nombreuses – et les derniers arbitrages rendus, il a fallu, pour nombre des parties prenantes, tenter de trouver les meilleures réponses collectives aux questions posées concernant la déconcentration, la qualité et l’indépendance des auditeurs. Et ce parce qu’une telle réforme doit aussi servir les intérêts des entreprises.

 

Transmission du texte au Conseil d’Etat à venir

En janvier 2016, la France s’est livrée aux derniers arbitrages de transposition des textes européens, lorsque la Chancellerie a rendu public son projet. A charge pour les professionnels de l’audit de se prononcer sur cette proposition, avant qu’elle ne soit transmise au Conseil d’Etat – une étape attendue pour le mois de mars. Vu de l’extérieur, le débat sur les dispositions de ce texte pourrait s’apparenter à du corporatisme, mais il n’en est rien : les mesures telles qu’elles seront définies par le texte dans sa version définitive doivent dépasser le simple débat entre les différents acteurs du chiffre pour être prises dans l’intérêt de tous, entreprises, utilisateurs des états financiers et cabinets d’audit.

A cet égard, il faut se satisfaire de la confirmation du co-commissariat aux comptes en France et de sa reconnaissance en Europe. C’est un sujet majeur dont la mise en place répondait à l’objectif de faire valoir un marché de l’audit plus déconcentré et plus dynamique. Bénéficier d’une offre plurielle avec la possibilité de se tourner vers des cabinets de taille intermédiaire garantit aux entreprises choix, diversité d’acteurs et solutions adaptées – quelle que soit leur taille.

Autre motif dont il faut se réjouir : la prolongation à 24 ans de la rotation obligatoire en cas de co-commissariat aux comptes, contre une durée plus faible dans le cas des appels d’offres. Pour les entreprises, c’est ici la garantie d’un travail de qualité, car changer de prestataires tous les 6 ans est susceptible de créer une perte de connaissance importante de la société et de ses spécificités. Pour l’ensemble des cabinets, également, c’est un signal fort qui a été donné : depuis de nombreuses années, en effet, le marché se concentre dangereusement.

 

Services non audit : des missions aux contours étendus

Dans le cadre de cette réforme, il est un deuxième sujet sensible : les services non audit. Selon le nouveau principe, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Les honoraires perçus dans ce cadre ne doivent pas dépasser 70 % des honoraires liés à l’audit, l’Etat membre pouvant, s’il le souhaite, fixer un plafond plus bas, déterminer la méthode de calcul de ce plafond ou étendre la liste des services interdits.

En l’occurrence, la France a choisi de retenir ce seuil de 70 %, mais comme le diable se niche toujours dans les détails, d’aucuns pourront regretter que la base de calcul soit uniquement l’activité du cabinet en France ? En l’espèce, ce seuil et sa règle de calcul peuvent désavantager les enseignes franco-françaises dont le positionnement repose sur la proximité avec les PME du territoire.

L’enjeu est ici d’affirmer notre mission d’intérêt général et notre indépendance. Et, dans un marché où se côtoient nombre de professionnels – commissaires aux comptes, experts-comptables, experts financiers, évaluateurs… – issus de professions réglementées et non réglementées, il ne faut pas perdre de vue ces notions essentielles, car elles sont garantes de notre action de confiance et de notre différence. Il ne faudrait pas que la perception de notre indépendance par les utilisateurs des états financiers ne soit troublée par des missions aux contours étendus et aux frontières bien trop perméables.

 

Les cabinets d’audit de taille intermédiaire ont toute leur place

Cependant, ne jouons pas les Cassandre. Oui, nous avons tous pu avoir des craintes quant à la mise en place de la réforme. Qui n’aurait pas des craintes face aux bouleversements et changements ! Mais soyons positifs et voyons plutôt cette réforme comme une opportunité de progrès permettant de valoriser le choix et la qualité. Choix de l’offre proposée par des différents profils d’acteurs, qualité de la prestation proposée pour plus de sécurité et de valeur ajoutée !

A cet égard, les cabinets d’audit de taille intermédiaire ont toute leur place, comparable à celle des fournisseurs de conseils financiers dont la taille n’empêche en rien l’excellence. Les entreprises pour bénéficier de la complémentarité offerte par un double regard ont tout intérêt à enrichir leur panel de commissaires aux comptes potentiels. Interrogez les cabinets intermédiaires, laissez-vous surprendre ! En audit, aussi, la diversité ne peut être que synonyme de richesse.

 

Par Stéphane Marie et Eric Seyvos, associés de RSM et de BM&A