En préalable une paie fausse, c’est quoi ? Quelques exemples des plus fréquents :
– un défaut dans la présentation matérielle du bulletin : nature et volume des forfaits jour,
– une discordance entre le contrat de travail et le bulletin de paie : STC établi sans relecture attentive du contrat de travail, précarité payée à tort, non concurrence non levée ;
– une anomalie dans le calcul des éléments du brut : assiette des primes d’ancienneté, des 13ème mois, des congés au 10ème, taux horaires des heures supplémentaires et/ou des absences, défaut de traçabilité des absences (dont congés payés).
– Une anomalie dans le calcul des cotisations sociales : incohérence des assiettes entre elles, assiettes erronées (IJ prévoyance non soumises, dirigeants de fait cotisant à tort au Pôle Emploi, sommes isolées caisses de retraite, allègement Fillon (la formule est bonne mais pas les compteurs qui alimentent la formule), net Fiscal Loi TEPA, assiette taxe prévoyance, CSG/RDS
– Une anomalie dans les assiettes des provisions pour taxes parafiscales (apprentissage, FPC notamment) ou autres provisions (essentiellement congés payés).

 

200 millions de bulletins par an : selon le rapport Turbot, un sur quatre serait faux et aucune mesure de « simplification des bulletins de paies » n’a significativement amélioré ce score : 995 millions d’€ de redressement URSSAF en 2009 (seulement … compte tenu des restitutions de trop versés sur allègements Fillon). Les raisons sont multiples.

 

Reprenons l’outil de gestion de la qualité dans les entreprises de service dit arbre des causes en 7 M (diagramme d’Ishikawa).

 

Selon votre expérience, lequel d’entre ces « M » présente le plus risques dans votre entreprise ? Lequel de ces « M » mérite d’être complété ?

 

Milieu (environnement externe) : une multitude d’acteurs et de fréquents changements de périmètre
– L’extraordinaire complexe généré par les pouvoirs législatifs et exécutifs : une multitude d’exonérations, des cotisations salariales assises en partie sur des cotisations patronales, des heures sup’ non imposables, une multitude de taux et d’assiettes différentes, du forfait social qui tente de rattraper les avantages différés …
– Des archaïsmes qui perdurent : congés payés (juin-mai) non calés sur l’année civile
– Des partenaires sociaux qui ont transformé la masse salariale en un mille feuille dans lequel il devient très difficile de se retrouver: rémunération de l’ancienneté, puis de la compétence, puis de la performance individuelle ou collective, puis la rémunération différée, non soumise ou soumise à cotisation, long term incentive et frindge benefits
– aucun de ces acteurs (n’ayant vraisemblablement connaissance des impacts de règles édictées au niveau des difficultés de calcul …
– des fusions/acquisitions suivis de split d’activités et d’incontournables accords de rapprochement des systèmes de rémunération (nivellement par le haut) qui transforment le référentiel paie en une jungle illisible et parfois intraduisible en règles de calcul conformes

 

Main d’oeuvre et Management : gestionnaires paie et encadrement de 1er niveau
– la difficulté à trouver des gestionnaires paies compétents (peu de cursus spécialisés, un faible attrait pour la spécialité), et qui le restent grâce à une formation continue à rythme infra annuel ; des conditions de travail difficiles (travail dans l’urgence et dans le stress car « en bout de chaîne »)
– des responsables de département paie qui n’ont eux même pas toujours accès aux formations et à la documentation indispensables à l’exécution de leurs missions, certains produisant des bulletins au lieu de contrôler les processus, les plans de paies et le respect des procédures en vue de réduire les risques de paies fausses.
– La difficulté à impliquer efficacement le management de proximité dans la collecte et le contrôle amont des éléments de paie (dossier salarié, gestion des temps)

 

Machines : le SI paie / SIRH
– qu’il soit best of breed ou ERP, le SI paie est souvent le parent pauvre du système d’information
– un SI paie difficile à maintenir, trop rapidement obsolète compte tenu des évolutions règlementaires et des mutations technologiques
– l’externalisation ne règle pas tout … et génère souvent des difficultés insurmontables compte tenu de la dépendance technique et technologique créée (et entretenue) par le prestataire.

 

Matière : Input de paie
– la difficile mise à jour des dossiers salariés et l’interface « gestion du personnel » / paie
– la très difficile maintenance des plans de paie (changements règlementaires à un rythme soutenu), la traçabilité des mises à jour
– la difficile collecte des variables mensuelles et le fréquent décalage d’un mois dans leur prise en compte (des ratios d’exploitation CAHT N / Paie N, cette dernière présentant les variables de paies de N-1)

 

Méthodes : processus, procédures et instructions
– des processus complexes à interfaces multiples tant en amont (recrutement, administration du personnel, gestion des temps) qu’en aval (déclaratifs périodiques, écriture de paie, états de reporting)
– des procédures et instructions non formalisées, non respectées ou contournées, non mises à jour ; qu’il s’agisse des inputs (plan de paie, dossier salariés, collecte des variables mensuelles) ou des activités (mise à jour et contrôle des inputs, lancement du calcul, contrôles, émission des outputs)
– de nombreux acteurs, un manque de vision globale DAF-DRF-Opérationnel
– une externalisation peu transparente au niveau des règles de calcul
Mesures : audit externes, contrôles internes
– l’absence d’audit externe périodique (la mission du CAC étant limitée à un contrôle global de cohérence), des audits externes qui visent essentiellement à récupérer les trop versés sans travailler sur le fond (process et modes opératoires)
– des contrôles internes souvent inadaptés (contrôles visuels des bulletins versus contrôle de masse mensuels et plan de contrôles focus systématiques étalé sur l’année)
– une chaine « budget-paie-comptabilité » qui ne permet pas toujours au contrôle de gestion d’y voir clair dans la boite noire

 

Moyens financiers : création de valeur ? Coûts apparents versus coûts cachés !
– la pression sur les coûts (apparents) des fonctions support sont la DRH peut générer des coûts cachés largement supérieurs aux économies apparentes : inadaptation des ressources humaines (sous staffing, méconnaissance/contournement des règles), inadaptation des ressources matérielles (SIRH inadapté aux volumes et/ou aux besoins)
– des sur-salaires, sur-temps, sur-consommations, non productions, non création de valeur (1% d’absentéisme = 1% de la masse salariale), des risques non identifiés ou non gérés qui génèrent des impacts financiers en terme de non qualités / non productions / défauts de paramétrage sans commune mesure avec le coût complet au bulletin.
Cost killing versus cost reducing : l’équation est difficile à maîtriser et encore plus lorsque les coûts sont cachés ou différés.
N’ayant que peu de moyens d’actions sur l’environnement externe (notre 1er « M »), les plans d’actions pour réduire les risques de paies fausses passent sans nul doute par une approche par les processus, et une attention particulière aux ressources humaines et matérielles qui les soutiennent. Le management des risques et de la qualité assortis d’outils de contrôle adaptés devront assurer la pérennité du système.
* Le mardi 25 janvier, lors d’un petit-déjeuner « Cercle des Experts » organisé par le groupe Île-de-France de la DFCG, Marc Salez, directeur associé d’Assemblance, viendra exposer les causes des différentes anomalies rencontrées dans le processus de paie et recueillera le retour d’expérience de Jean-François Bosquet, directeur administratif et financier du CERP.