Attention aux apparences ! Une option d’achat sur une société cotée est un produit qui bénéficie d’un statut financier très différent d’une option d’achat sur une société non cotée. Certes il s’agit dans les deux cas d’un produit financier de même nature juridique : le droit d’acquérir, pendant une période donnée, à un prix donné, un nombre donné d’action(s) d’une société.

Mais le fait que les actions d’une société soient librement et facilement cessibles change totalement la donne pour son propriétaire. Depuis les travaux de Black & Scholes en 1973, la valeur d’une option d’une société cotée peut être estimée à tout instant : par la constitution d’un portefeuille d’arbitrage, composé d’une part d’une certaine quantité d’actions sous-jacentes de l’option et d’autre part de dette. Le prix de revient d’une couverture du risque de l’option est ainsi aisé à calculer à partir de deux produits dont on connait la valeur de marché. Une réplication dynamique du portefeuille, consistant à faire évoluer les quantités d’actions et de dette pendant toute la durée de vie de l’option en fonction notamment de l’évolution du cours de l’action, permet d’obtenir à l’échéance, ou en cas d’exercice anticipé au moment de cet exercice, l’exacte contrepartie de la valeur de l’option. Si celle-ci est « dans la monnaie », c’est-à-dire que le cours de l’action est supérieur au prix d’exercice et donc que l’exercice assure un gain au détenteur de l’option, la valeur des actions du portefeuille nette de la dette générera un gain équivalent. A contrario le portefeuille d’arbitrage aura une valeur nulle si le cours de l’action est inférieur au prix d’exercice de l’option à l’échéance.

Ainsi, aussi surprenant que cela puisse paraître au premier abord, la valeur d’options d’achat sur des actions d’une société cotée ne dépend pas des attentes que l’on peut avoir sur le niveau du cours de l’action à horizon de l’échéance de l’option. Mais tout cela ne fonctionne que si les hypothèses de la finance classique sont supposées vérifiées, notamment l’efficience des marchés, la continuité de la cotation des actions et une évolution gaussienne des rendements des actions. L’arbitrage n’est constitué qu’en fonction des paramètres de l’option, du coût de l’argent sans risque et sur la base d’une estimation de la volatilité de l’action, c’est-à-dire de la manière dont le cours de l’action évolue autour d’une valeur centrale.

La problématique est totalement différente pour le détenteur d’une option sur des actions non cotées, actions dont on peut imaginer qu’elles ne sont pas facilement échangeables. Il est impossible de constituer un portefeuille d’arbitrage, et a fortiori de le faire évoluer en continu, ce qui assurerait une couverture parfaite à l’option. L’évaluation de l’option se rapproche alors de l’évaluation classique des sociétés puisque la valeur de l’option repose sur une espérance de gain au moment où celui-ci pourra être extériorisé, c’est-à-dire au moment où les actions pourront être revendues. C’est sur la base de l’estimation de la valeur de la société à cet l’horizon (ou des estimations à différents horizons si plusieurs hypothèses de dates de sorties doivent être prises en compte) que peut être déterminée la valeur à terme de l’option.

Et alors que le taux d’actualisation à prendre en compte dans le cadre de l’évaluation d’options sur actions cotées est le taux sans risque puisque l’évaluation par arbitrage permet de déterminer un gain certain dans un univers risque neutre, dans le cadre de l’évaluation d’options sur actions non cotées, cette démarche ne fonctionne pas. Se pose alors la difficile question du taux à retenir pour déterminer la valeur de l’option. Il s’agit en premier lieu de mesurer le risque propre à l’action ; la notion de volatilité existe mais ne porte plus sur les évolutions en continu d’un cours mais sur le risque intrinsèque des actions. Il s’agit ensuite déterminer l’impact des valeurs possibles de l’action et de leurs probabilités respectives sur la valeur de l’option. L’asymétrie de comportement de l’option à la hausse ou à la baisse de l’action implique nécessairement que la valeur de l’option ne peut résulter d’une simple mesure de l’espérance de valeur de l’action.

Ainsi, alors qu’en univers risque neutre toute hausse de la volatilité a un impact nécessairement positif sur la valeur d’une option d’achat, la prise en compte du risque dans le taux d’actualisation et dans les profils potentiels de gain à l’échéance a des effets plus contrastés. Le porteur d’une option n’aura donc pas la même sensibilité au risque selon le statut de l’action… l’option n’aura donc pas la même valeur selon que l’action est cotée ou pas.