À l’heure où la pression de la liquidité s’accentue sur les banques françaises, il est difficile de déterminer dans quelle mesure celles-ci facilitent ou au contraire freinent le financement de l’économie réelle et des entreprises. Elles enregistrent des déséquilibres de funding potentiellement très menaçants : il y a plus d’engagements que de dépôts bancaires (sans qu’il y ait toutefois un début de retraits de dépôts)1.

En octobre, les banques françaises ont emprunté plus de 100 Md€ à la BCE contre 10 Md€ six mois plus tôt et 29 Md€ en décembre 2010. Conséquence immédiate : les banques donnent désormais la priorité aux clients qui offrent des dépôts (i.e. les particuliers avec l’assurance-vie ou les livrets ; ou les entreprises qui ont merveilleusement amélioré leur cash-flow depuis la dernière crise 2008-2009). Face à cette situation, comment s’en sortent nos PME françaises qui ont besoin de cash pour (sur)vivre ou se développer ?

La DFCG, représentative du tissu économique français à travers ses 3 200 membres, depuis la TPE familiale jusqu’à la multinationale du CAC40, s’invite dans ce débat avec la réactualisation de son sondage fait en janvier 2010 à l’occasion de la conférence risque-pays annuelle de Coface. Quelle est la tendance à ce jour ?

Pour 61 % des sondés, il n’y a toujours pas de rupture de confiance avec les banques (contre 68 % deux ans plus tôt), ce qui s’avère plutôt encourageant. Cependant, pour les 39 % qui pensent qu’il y a effectivement rupture, 85 % (contre 72 % il y a 2 ans) estiment que la cause principale est le rationnement du crédit et 45 % (contre 40 % précédemment) des tarifs élevés et opaques. Cela explique en grande partie les craintes des PME.

L’indice de confiance (inférieur à 50 % envers les banquiers en cas de crise de liquidité) s’améliore un peu : 47 % (contre 39 % il y a 2 ans). Mais il demeure qu’une entreprise sur deux craint pour ses relations bancaires en cas de crise de liquidité.

Enfin, 60 % des sondés considèrent maintenant que la cession de créance devient un moyen de financement à part entière (50 % en janvier 2010). Mais ce mode de financement peut se retrouver menacé, certaines sociétés d’affacturage recherchant des ratios de solvabilité plus élevés via une limitation du financement.

Avec le retournement conjoncturel (qui est bien là !), on va de nouveau entendre ce débat, difficile à départager : « le crédit baisse (ou ralentit) car la demande de crédit baisse », disent les banques, et « le crédit baisse parce que les banques sont plus réticentes à prêter », disent les entreprises. L’offre et la demande sont, comme toujours, liées. La réalité est probablement entre les deux : les banques ont effectivement révisé « discrètement » leurs profils de risque. Financer sans risque est, en effet, un credo dans ces périodes difficiles.

Une récente enquête de l’AFTE (l’Association française des trésoriers d’entreprise) indique que la recherche de financement est devenue plus difficile pour la majorité des grandes entreprises et que leurs marges bancaires s’envolent. On imagine ce qui peut en être pour les PME en difficulté de trésorerie : « business plan », cash-flow sur 3 ou 5 ans garanties spécifiques, bref un parcours du combattant devant des chargés de compte en agence avec obligations de résultat.

Simple perception ou réalité ?, nos membres nous rapportent des cas de serrage (moins de lignes de trésorerie, un affacturage restrictif). Mais les statistiques peuvent être trompeuses ! Elles sont celles que les acteurs du marché veulent bien nous donner (les banques affichent fièrement celles de la Banque de France : à fin septembre, les encours de crédit aux entreprises en France étaient en hausse de 4,5 % sur un an, et de 4,4 % pour les seules PME).

Par exemple, le ratio de crédit inclut le besoin supplémentaire de refinancement lié à la réelle baisse de l’affacturage dans leur ratio ou les prêts aux filiales de groupes internationaux, cautionnées par leur maison mère. Il serait donc très intéressant de segmenter ces données pour analyser réellement les prêts accordés aux entreprises, selon des critères de taille (TPE, PME, etc.), d’actionnariat (entreprises françaises, familiales ou filiales de groupes multinationaux) ou d’activités. Il serait également pertinent de connaître le taux de casse sur le financement des PME afin de déterminer la réelle prise de risque de chaque banque. La transparence, dont les banques font leur credo, passe par des informations non contestables et proches de la réalité du « terrain ».

Nul doute que la réduction des délais de paiement, les programmes de soutien en cours (notamment le possible étalement des règlements fiscaux ou sociaux, ou l’accélération des paiements des factures par les établissements publics aux PME) sont de réels avantages dans cette période de crise de liquidité et, sur ce sujet, les efforts politiques sont louables. Les actions de la Médiation du crédit ont probablement sauvé des milliers d’entreprises et d’emplois lors de la dernière crise financière de 2009…

Mais sachant que la crise de liquidités est réelle, que l’innovation et l’emploi viennent très souvent des PME et que notre tissu économique ne se redressera qu’à travers la survie de nos entreprises locales, pourquoi ne pas écouter les associations professionnelles et définir des ratios de mesure en liaison avec les réalités du terrain. La DFCG avait commencé une action en ce sens lors de deux petits-déjeuners de travail en 2009 avec Patrick Devedjian, alors ministre de la Relance.

La DFCG est prête à soutenir toute action en faveur de nos PME et à participer à des groupes de réflexion pour soutenir nos membres et nos entreprises… Encore faudrait-il que les banques acceptent une vérité différente de la leur !

 

1. Même des financements sur actifs, comme par exemple l’affacturage, sont menacés. On pronostique aujourd’hui un fort ralentissement des crédits de trésorerie, de l’affacturage, des lignes de découvert, etc.