Prévalence des homicides
On recense, de source policière, 1010 homicides en 2023, soit 1,5 pour 100 000 habitants. Question : quelle est la tendance sur longue durée ? Le chiffre est-il à monter ou à baisser ?
Le graphique qui suit donne une réponse sans équivoque : sur une longue période, cela baisse, comme on le voit sur la courbe bleue foncée qui est la source statistique dite policière, venue du Ministère de l’intérieur. On était autour de 3 pour 100 000 en 1990 ; on se stabilise autour de 1,5 depuis quelques années (le graphique ne va que jusqu’à 2021, mais le chiffre de 2023 est égal à ce dernier).
Mais ce graphique requiert un examen plus attentif. Tout d’abord, il fait figurer une courbe en rouge qui reporte le nombre d’homicides selon l’INSERM, l’institut de recherche médicale, qui collecte les déclarations d’homicide faites par les médecins, légistes ou non, qui examinent la victime. On est ici à un taux d’homicide de 0,6 pour 100 000, c’est-à-dire 404 décès et non 1010. Et qui montre aussi une baisse depuis 30 ans, mais moins forte que la source policière.
Comment s’y reconnaître ? Philippe Robert et Renée Zauberman, chercheurs au CNRS et membres de l’OSCJ (l’Observatoire scientifique du crime et de la justice), ont investigué. Référence ici.
D’abord, il faut savoir que jusqu’en 1980, la police ne distinguait pas les homicides accomplis des tentatives d’homicides sous le principe pénal de l’intentionnalité. La mesure policière semble s’être progressivement affinée, à preuve que l’écart entre les deux sources — police et Inserm — s’est résorbé. Le ratio de 3 pour 100 000 en 1990 était donc probablement surestimé. Mais les raisons pour lesquelles le nombre d’homicides ont été surestimés ou sous-estimés sont présentes de part et d’autre. Le médecin peut se tromper sur l’origine d’un décès et le prendre pour un suicide ou indiquer une cause indéterminée ; le policier peut à l’inverse interpréter comme un homicide ce qui est un suicide. Disons en conclusion que le chiffre des décès par meurtre ou assassinat se situe entre 400 et 1000, et est en baisse depuis 30 ans, avec une stagnation sur les dernières années.
La surprise du graphique vient de la courbe des tentatives d’homicide. Car, après une baisse constante et forte entre 1980 et 2009, on enregistre une très violente reprise. Les chercheurs cités indiquent : « La divergence nouvelle entre homicides consommés et tentatives laisse perplexe sauf à faire l’hypothèse d’une posture nouvelle consistant à poursuivre comme tentatives de crimes de meurtre ou d’assassinat des agressions que l’on aurait naguère seulement qualifiées de délits de coups et blessures (en application du principe dit de la plus haute expression pénale). » Ils relèvent aussi que les chiffres d’homicides aboutis font l’objet de corrections après examen des dossiers alors que ce n’est pas le cas pour les tentatives.
Or, c’est souvent le chiffre des tentatives qui fait l’attention de la presse. Témoin ce qu’en dit Julien Sapori, Commissaire divisionnaire honoraire, cité par Actu-Juridique : « La rubrique tentatives d’homicide (3584 faits enregistrés en 2023) attire tout particulièrement l’attention des criminologues […] La progression est particulièrement inquiétante depuis sept ans (2358 faits avaient été enregistrés en 2016). » Il impute une partie de la divergence à une efficacité plus grande, en rapidité et en qualité, des services de santé qui interviennent sur les lieux du crime, sauvant de la mort la victime de ce qui aurait été un homicide autrefois. L’effet est probable, mais joue en tout état de cause de façon plus progressive que ne l’indique le profil des courbes présentées.