Professions réglementées : c’est pire aux États-Unis
« Toute profession réglementée est une conspiration contre le bon peuple » a dit George Bernard Shaw [1]. C’est pourquoi le gouvernement français souhaite mettre un peu d’ordre dans ces statuts professionnels, qui usent et parfois abusent de leur protection pour sur-tarifer les bonnes gens et restreindre la quantité des services offerts. Tout cela au nom de la protection du consommateur, bien-sûr. Un rapport de l’Inspection générale des finances habilement diffusé par l’ancien ministre Arnaud Montebourg a mis le sujet sur la table, à Emmanuel Macron désormais d’officier. Bonne chance !
C’est un mal qui dépasse la France. Pire, c’est un mal qui se répand encore et toujours. Une étude récemment publiée montre que les professions réglementées (occupational licensing) aux États-Unis y progressent constamment. Voir « Cartels by Another Name:
Should Licensed Occupations Face Antitrust scrutiny? », publié par la prestigieuse University of Pennsylvania Law Review. Aux euu, le statut concerne plus de 800 professions. Si vous voulez être marchand de cercueils en Oklahoma, il vous faut une formation d’un an comprenant l’embaumage des corps et les soins mortuaires (je ne sais ce qu’il en est en France). Dès qu’il y a une décoration florale en Louisiane (pour un bâtiment, une cérémonie…), elle doit être supervisée par un fleuriste agréé. Si vous voulez vous faire mettre des tresses africaines dans les cheveux, à la garde ! C’est cette fois-ci une réglementation fédérale qui vous oblige à vous adresser à un coiffeur disposant d’une licence spéciale. Les exemples cocasses abondent.
Le statut réglementé devient désormais une force de structuration du marché du travail plus importante que le syndicalisme (qui ne l’oublions pas est une autre façon de réglementer un marché). Aux États-Unis, la syndicalisation qui concernait un temps 30% de la population active s’est réduite aujourd’hui à 15% (et moins encore en France). Sur la même période, le nombre des travailleurs qui sont soumis à une forme de réglementation d’État, sous la forme de licence, droit à exercer, etc., a doublé, atteignant le chiffre de 29% (dont 6% au niveau fédéral). Dans les années 50, le chiffre était de 5%.
On avait vu le ministre Montebourg dire (un peu généreusement, pensait-on) que la libéralisation de beaucoup de ces régimes protégées pouvaient rapporter 5 Md€ aux consommateurs. L’étude que je cite mentionne un impact sur les prix de détail de 15% pour les biens et services concernées aux États-Unis.
Un petit piment supplémentaire : souvent, les États aux États-Unis mettent en place une commission à la fois pour mettre en place la réglementation et pour l’appliquer. Qui figure au sein de cette commission ? Les professionnels concernés déjà en place. Ce sont les fleuristes officiellement agréés de Louisiane qui composent la commission chargée là-bas de la réglementation florale. Cela existe en France, mais semble-t-il à un degré moindre.
J’en retire un principe simple : qu’il n’y ait aucune législation qui puisse être votée en matière de normes de sécurité, d’hygiène, de protection des consommateurs, de qualité, etc., sans que les autorités de la concurrence y mettent préalablement leur nez et donnent leur approbation. Il faut réglementer la réglementation, tout simplement.
[1] Dans « Le dilemme du docteur », cité dans l’article ici-commenté.