Comment est né le programme Entrepreneur et DAF ?

Le programme est né en 2015 lors d’un bureau du groupe DFCG avenir d’Ile-de-France. Avec Antoine Vinit, Eric Boyer et Sylvain Paillotin nous réfléchissions sur l’animation du groupe, de l’envie de sortir des programmes classiques… Nous voulions un fil rouge, capable de réunir nos membres tout au long de l’année.

Au départ, nous avions choisi d’établir un panel des modes de financement des start-ups. Et franchement, ça s’est rapidement avéré fastidieux.

Et puis l’idée a germé : pourquoi ne pas accompagner directement des start-ups dépourvues de fonction finance ? Le format s’est dessiné assez vite : composer des duos de financiers pour pouvoir se relayer et échanger, en accompagnant des start-upers.

 

De l’eau a coulé sous les ponts, puisque vous terminez bientôt la 4e saison… ?

C’est exact. Depuis le lancement en 2016, une bonne trentaine de start-ups ont pu être accompagnées. Un programme qui monte en puissance, puisque la première année nous avions six start-ups trouvées par l’intermédiaire d’HEC entreprendre et en collant des affiches dans des incubateurs. Puis ensuite, en nouant des partenariats avec notamment le réseau entreprendre, les HEC incubateurs et Arts et métiers accélération.

D’abord, le programme s’est développé avec le groupe DFCG Avenir. Et puis, compte tenu de ce premier succès, il s’est élargi à l’ensemble des membres de la DFCG.

 

Au fond, c’est un sujet qui n’intéresse pas que les jeunes professionnels ?

C’est ce que nous pensions. Et ce d’autant plus que cela donnait un sens supplémentaire de mêler les générations pour composer ces duos. Les plus jeunes bénéficient ainsi de l’expérience des plus aguerris. Et ces derniers des réactions et de la pratique des outils les plus avancés par les plus jeunes. Ce qui a permis de créer un lien intergénérationnel.

 

Plus précisément, quel accompagnement proposez-vous aux start-ups ?

Ce que nous apportons, c’est souvent une vraie réflexion sur le business model et le business plan et ce, de manière itérative. Le business model c’est ce qui permet de penser la valeur pour le client et donc pour la société.

Ce qui entraine ensuite une modélisation financière des besoins en termes de ressources, en entrée de cash puis, in fine, une rentabilité. Un modèle nécessairement différent selon qu’on soit intermédiaire ou concepteur.

Un business model qui doit s’adapter aux capacités initiales. Ce n’est seulement qu’après les premiers succès que l’on peut pivoter. Nous aidons à définir le périmètre d’un possible amené à s’étendre au fur et à mesure.

 

C’est un vrai apport pour les entrepreneurs que vous accompagnez ?

Il faut être lucide : en France la matière financière n’est pas suffisamment abordée durant les études. Ou, plus exactement, la finance est réduite à une vision comptable. Or, lorsqu’on parle comptabilité, on perd les gens, on les ennuie. On capte leur attention en parlant d’économie, d’enjeu, de stratégie et de grands agrégats.

La première personne issue du monde de la finance que côtoient ces entrepreneurs, c’est l’expert-comptable. Son rôle, et c’est normal, c’est d’établir des comptes historiques et faire en sorte que les obligations déclaratives soient respectées. De ce point de vue, son travail n’est plus valorisé, ce qui induit une faible rentabilité et donc peu de temps à consacrer à l’entreprise.

Or, s’il y a bien un sujet important pour ces entreprises, c’est celui d’évaluer et rythmer les besoins de financement. Avec le DAF, le duo devient alors gagnant.

D’autant plus qu’il sait parler plusieurs langues pour se faire comprendre : celle de l’entrepreneur, celle de l’expert-comptable, ou encore celle du banquier.

S’il y a bien sûr une organisation comptable à mettre en place pour que l’entreprise soit pérenne, il faut ensuite, pour qu’elle se développe, mener une réflexion économique correspondant à la stratégie voulue par l’entrepreneur. Et qui se traduit en stratégie de financement.

 

Combien de temps consacre le binôme auprès de l’entrepreneur ?

En principe huit heures par mois sur une année maximum. Mais en réalité, cela dépend énormément de la relation qui se crée entre eux. S’il y a une compréhension mutuelle des intérêts réciproque, le DAF donnera beaucoup plus. Notamment au début, dans la phase d’imprégnation, qui peut demander un peu plus de temps. Ensuite on bascule vers un mode coaching.

 

Quand peut-on parler d’opération réussie ?

Tout simplement quand le binôme entrepreneur/DAF fonctionne pendant toute la durée du programme. Certains continuent même à avoir des relations après.

De ce point de vue, la meilleure des récompenses, c’est quand les entrepreneurs jouent le jeu, vont jusqu’au bout, et nous remercient à la fin tout simplement.

 

Qu’est-ce qui motive un DAF, par ailleurs très occupé, de donner huit heures par mois ?

Au fond, je crois qu’il y a trois véritables moteurs : le premier, celui d’aider et transmettre son savoir. Un moteur que l’on pourrait résumer par le slogan « DAF for good ».

Le deuxième c’est la volonté de sortir d’un quotidien de travail.

La troisième, c’est de découvrir le monde des start-ups.

Des moteurs qu’on rencontre de manière très large : ainsi il y a beaucoup de DAF de grands groupes, hauts placés, qui participent au programme. Et ça leur apporte énormément car, dans cet univers, on n’a pas la même manière d’aborder les choses.

Il y a également des DAF en transition qui souhaitent garder la main, et des DAF à temps partagé qui, en binôme avec un autre DAF, souhaitent se challenger.

 

Au fond, le programme est vecteur de sens pour ceux qui y participent ?

C’est ce que je constate. Pour l’anecdote, quand nous avons entamé ce projet, nous étions tous trentenaires. Et très franchement, même si nous avions l’intuition de son utilité, nous doutions de notre capacité à apporter quelque chose aux start-ups. Et de manière plus générale, certains avec plus de dix ans d’expérience ne discernent plus l’étendue de leur valeur ajoutée au quotidien. Ça leur parait normal, presque banal, perdant à force d’habitude le sens de leur valeur. Quand vous accompagnez un entrepreneur, vous apportez un savoir, une expérience essentielle qui lui font défaut. Cela vous permet en retour de redonner du sens à son activité, de mesurer la valeur ajoutée de votre expérience. En bref, de mesurer votre utilité.

 

Le programme a fait des émules ?

Effectivement, d’autres régions se sont lancées dans l’aventure et se développent en fonction de leur contexte et leur environnement. Je pense notamment à Lyon avec Arnaud Guillaume qui a pu compter sur le soutien de son président Pierre-Yves Hentzen et aujourd’hui Olivier Stephan. Je pense également à Nice avec Jérémie Seigneur soutenu par Christophe Sarlot et aujourd’hui Amandine Mellira et Marseille avec Marie-Hélène Pebayle. Ces deux dernières régions mutualisent leurs ressources.

 

Comment expliquer le succès de ce programme ?

On a voulu un peu casser les codes au sein de la DFCG. Ceux d’une belle institution mais très technicienne. Ceux du financier également que l’on apparente à l’image d’un comptable un peu trop sérieux.

Or, le financier n’est pas qu’un technicien. C’est quelqu’un qui comprend votre business et qui peut vous aider à le développer. Au fond, ce programme raisonne parfaitement avec ce qu’est un DAF et permet de redresser une image qui n’est pas toujours la bonne aux yeux du public. C’est l’une des clefs du succès je crois.

 

En 2020, vous entamerez la 5e saison ?

En effet. Une saison enrichie d’un partenariat avec Raise Sherpa qui agit dans un même esprit de bienveillance. Nous voulons suivre une quinzaine de start-ups pour les faire grandir et continuer à faire grandir le programme.

Parallèlement, nous continuerons à mener des réunions visant à apporter du savoir en permettant aux accompagnés d’entendre et côtoyer des personnalités extérieures auxquelles elles n’auraient pas forcément accès.

 

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 5 novembre 2019.