Avec les IFRS, le comptable se fait évaluateur. L’objectif visé est de donner une meilleure image à un instant donné du bilan d’une société. Pourquoi pas ? Sous réserve d’une certaine homogénéité entre sociétés d’un même secteur et d’une continuité des méthodes utilisées au fil des années. Mais sous réserve surtout que les méthodes utilisées soient correctes ! Le traitement en IFRS des stock options et plus largement des paiements aux salariés fondés sur des actions (IFRS 2) surévalue ces produits et du coup perturbe l’utilisation de ces outils de rémunération ou de motivation.

Il ne s’agit pas de demander un retour en arrière, à l’époque ou aucune charge pour l’émetteur n’était comptabilisée. Les stock options ont un coût, coût en dilution. Il s’agit d’un coût d’opportunité, aisé à comprendre si l’on considère que la société offre à ses salariés un produit qu’elle pourrait émettre à titre payant ce qui dans ce cas générerait du cash pour la société.

Pour autant, les stock options qui représentent des enjeux considérables mériteraient de ne pas être aussi maltraitées qu’elles le sont actuellement. Plusieurs « grands cabinets internationaux » refusent de considérer que les stock options ne sont pas des options financières classiques et surtout refusent de considérer que les hypothèses requises pour utiliser les modèles d’évaluation d’option ne sont pas vérifiées (l’absence de coût de transaction pour un manager qui souhaiterait arbitrer en continu par exemple). Pour ce faire ils s’appuient sur une interprétation des textes (La Norme internationale d’information financière 2 – Paiement fondé sur des actions (IFRS 2)) qui pourrait être contestée. N’y est-il pas écrit « Tout autre facteur que prendrait en compte un intervenant bien informé et consentant sur le marché pour fixer le prix doit être également pris en considération » ?

Nous ne rentrerons pas ici dans un débat d’expert, chacun pourra comprendre que détenir un droit non cessible d’acquérir des actions pendant une période future donnée, n’est pas nécessairement équivalent à une option cessible qui donne le même accès à la même action. (J’ai été il y a onze ans bénéficiaire de stock options d’une société dont le cours de bourse a été multiplié par 65 pendant les 9 mois qui ont suivi l’attribution… avant d’être divisé par 200 dans l’année qui a suivi. J’ai pu personnellement apprécier le coût de l’incessibilité de mes stock options…).

Une surévaluation a des conséquences directes en cash pour l’émetteur. La fiscalité sur les stock options évolue et repose de plus en plus sur la valeur de celles-ci à l’émission avec la mise en place d’une contribution patronale dès l’émission. L’enjeu de cette surévaluation sur la fiscalité n’est pas encore très significatif mais pourrait le devenir (cf. sur la fiscalité des stock options le post de François Meunier du 25 janvier 2010, Pourrait-on mieux taxer les stock options ? Certainement, oui.).

Mais surtout une surévaluation prive d’une saine utilisation de ce produit de rémunération. La nature complexe de cette option particulière facilite les écarts de perception de valeur entre les acteurs : la direction mesure le coût en dilution et le bénéficiaire a sa propre appréciation de l’évolution possible de la valeur de l’action à laquelle le stock option lui donne droit. Une surévaluation par les comptables accentue l’écart entre le coût mesuré et le bénéfice perçu. Les stock options semblent encore très présentes, notamment dans la presse du fait de certains scandales liés à quelques dirigeants qui se sont goinfrés.

Pour autant de nombreuses entreprises ont réduit l’utilisation des stock options, à l’instar de Microsoft qui a dès 2003 décidé d’arrêter tout plan d’attribution de stock options, explicitement en réaction aux normes comptables américaines.