Les minutes de la Fed, publiés le 12 octobre, sont probablement le point de départ tangible de la stratégie de Quantitative Easing. Les discussions autour de la publication de ces minutes font parties du plan de communication de la Fed dans le cadre de sa nouvelle stratégie. C’est inscrit page 7 à la fin du premier paragraphe de la colonne de droite.
C’est ce paragraphe de la page 7 qui est important puisqu’il indique d’abord les préoccupations des membres du FOMC face à une croissance faible et une inflation insuffisante. Puis les discussions entre les partisans d’une action rapide de la Fed et ceux qui préfèrent attendre une dégradation supplémentaire de la situation avec un risque plus marqué de déflation.
Cependant, ces discussions sont très courtes et convergent vers les moyens que la Fed pourrait utiliser pour intervenir. Ce sont les achats de titres longs du Trésor qui sont d’abord évoqués, mais aussi la façon d’affecter les anticipations d’inflation. L’objectif est alors très clairement d’agir pour relever les anticipations d’inflation afin de réduire le plus possible les taux d’intérêt réels ex ante et ainsi affecter les comportements des acteurs économiques. Des taux réels anticipés à un faible niveau (voire en étant négatifs) incitent à dépenser maintenant plutôt que d’attendre, facilitant ainsi la reprise de la croissance.

Il fallait donc communiquer et éviter que la tendance à la baisse des anticipations se prolonge. Les articles se sont multipliés dans la presse financière et plus personne aujourd’hui ignore ce qu’est le Quantitative Easing et surtout le fait que la Fed souhaite le mettre en œuvre.

Le résultat de cette communication se lit sur le graphique ci-dessous qui décompose le taux d’intérêt nominal dans sa partie réelle et sa partie inflation. On observe bien une baisse du taux réel et une hausse de la partie liée à l’inflation.

Ces opérations ont été mises en place en calibrant le message pour éviter qu’un éventuel caractère structurel des anticipations d’inflation vienne altérer le message. La communication de William Dudley le 1er octobre était tout à fait dans le ton. Il fallait rendre crédible le cadre d’intervention de la Fed. Cela a bien marché puisque nous attendions tous les minutes de la Fed, que je commente maintenant, pour vérifier et valider que nous avions bien compris le message.

Maintenant, il faut passer à l’action. Ce sera l’enjeu de la prochaine réunion du 3 novembre. Il faudra alors donner des éléments sur l’ampleur des achats et le rythme de ceux-ci. Il faut en effet que le mouvement s’inscrive dans la durée pour réellement infléchir les comportements.
Pour l’instant, la baisse de 40 points de base depuis la mi-septembre, et l’évocation intensive de cette nouvelle stratégie, suggère que les investisseurs s’attendent à une opération de l’ordre de 1 200 milliards de dollars (8.2 % du PIB). Selon les travaux d’Hamilton et Wu, l’achat de 400 milliards aurait un impact de 13 points de base. L’autre point est de savoir quel taux d’intérêt va être ciblé par la Fed dans son processus. Selon Joseph Gagnon, dans un article paru cet été dans l’Huffington Post (21 juillet), la Fed doit cibler le taux des obligations à 3 ans et faire tendre le taux s’y attachant à 0.25 %. Ce taux est ce soir à 0.56 %. Ces obligations courtes sont proches de l’action de la politique monétaire et plus facile à infléchir que le taux à 10 ans. Gagnon suggère aussi de réduire à 0 le taux servi sur les réserves.

Le mouvement est en marche.
Pour nous européens, la mise en route effective de ces achats de titres du Trésor aura un impact baissier sur la structure des taux d’intérêt. L’Euro aura tendance à s’apprécier puisque l’afflux de liquidités nouvelles en dollars pèsera naturellement sur la valeur du billet vert. Quelles seront alors les réactions de la BCE et des gouvernements ? Si la monnaie européenne s’apprécie, la phase de consolidation budgétaire, qui a démarré dans plusieurs pays européens, risque d’être plus complexe à mettre en œuvre. Généralement la baisse de la monnaie dans une phase de consolidation permet de compenser l’effet restrictif de la politique budgétaire. Une telle stratégie de la Fed fragilise la situation européenne. La BCE ne mettra pas en œuvre elle-même de Quantitative Easing.
Cependant, elle pourrait, pour participer au mouvement de politique monétaire accommodante visant à favoriser une reprise globale, avoir la tentation d’infléchir son taux de refinancement et limiter ainsi l’impact des ajustements monétaires internationaux sur l’activité de la zone Euro. Le mouvement initié par la Fed est d’une ampleur spectaculaire et la BCE ne peut pas faire l’hypothèse que cela n’aura pas d’incidence sur la dynamique européenne.