Voici un sujet qui intéressait très modérément les analystes financiers jusqu’à une date récente. Une action est un droit à revenu autant qu’un droit à contrôle. Habituellement, la partie « contrôle » est jugée insignifiante et les actions sans droit de vote ont un comportement boursier à peu près identique à celui des actions avec droit de vote.

Et pourtant, le graphique qui suit montre qu’une action disposant d’un droit de vote, ça peut servir. La société Volkswagen émet des actions sans droits de vote et des actions avec droits de vote. Or, en 2008, il y a eu la chicaya bien connue entre la branche familiale Piëch détenant VW et la famille Porsche / Wiedeking, qui détenait Porsche, pour savoir lequel des deux groupes finirait par contrôler l’autre. Porsche s’est donc lancé dans un ramassage d’actions de VW pour en prendre le contrôle. En voici l’effet sur le prix des actions à droit de vote, en comparaison avec celui des actions sans droit de vote (graphique tiré, comme les suivants, par courtoisie du formidable blog de l’économiste John Cochrane, the Grumpy Economist, 26 juin 2017.)

 

 

Au prix de 900€, Volkswagen a été un court instant la société la mieux valorisée au monde. Hum ! un court instant, et ceci avant les déboires sur le diesel.

On note sur le graphique que la courbe rouge dépasse quand même continuellement la courbe bleue avant les événements de 2008. Comme les actions sans droit de vote donnent le même dividende que celles avec droits de vote, cela veut dire que le rendement des premières a été sur la période structurellement supérieur à celui des secondes. On le voit très clairement sur le graphique suivant, qui donne le taux de rendement-dividende des deux titres.

 

Évidemment, sur la durée, ce surcroît de rendement-dividende aboutit à un taux de rendement global (TSR, total shareholder’s return) beaucoup plus élevé. Le graphique qui suit est éloquent.

 

 

Se satisfaire de l’action sans droit de vote permettait – dans le cas de VW – de doubler la mise sur 17 ans. Quelques petits propos là-dessus :

  • Il ne s’agit ici que de Volkswagen. Le grand bond en avant du TSR est artificiel puisqu’il ne provient pour l’essentiel que de la période de l’OPA.
  • Il faut garder à l’esprit la règle de calcul du TSR : on suppose un réinvestissement des dividendes dans la même action. C’est parce que l’investisseur, dans ce calcul, a réinjecté ses dividendes dans l’action survalorisée au moment de l’OPA, et donc avec un rendement-dividende exécrable, qu’il obtient un tel rendement au final. En réalité, l’investisseur au moment de l’OPA a probablement déjà revendu son titre pour empocher la plus-value.
  • Tant qu’à être un investisseur passif, autant être un investisseur juridiquement passif et se contenter des actions sans droit de vote. Évidemment, si tous les « passifs » du monde de la gestion d’actifs devaient penser cela, l’arbitrage se ferait et les actions sans droit de vote rejoindraient immanquablement celles qui en disposent. Éternel jeu de l’efficience des marchés : quand on croît tenir une martingale, elle vous file d’entre les doigts.

Ceci néglige les questions de gouvernance. On voit se répandre dans la Silicon Valley les mises en bourse d’actions qui n’ont pas de droit de vote. Le cas emblématique est la mise en bourse de Snap en mars 2017, mais Google y a recouru aussi. Mettre l’entreprise à l’abri de droit de regard des actionnaires n’est sur la durée pas bon pour la marche de cette entreprise, Volkswagen pouvant d’ailleurs en être un exemple vivant. Mais ceci affecte tant les actions à droit de vote que les actions sans droit de vote. Plus là-dessus dans le livre récemment paru de F. Meunier, un de nos contributeurs de Vox-Fi, « Comprendre et évaluer les entreprises du numérique », paru récemment chez Eyrolles.