Un mythe.

Pour nous c’est comme Jupiter ou Danaé : une belle histoire, mais rien de réel.

Illustrons d’abord ce qu’elles sont censées être.

Si votre coût du capital est de 10 % et que vous acquérez une société dans un autre métier avec un coût du capital de 8 % (par souci de simplicité d’une taille similaire), le coût global du capital du nouveau groupe ne sera pas inférieur à 9 % (moyenne de 10 % et 8 %) car les actionnaires ne rémunèrent pas une réduction du risque spécifique. En effet, ils peuvent l’éliminer par la diversification de leur portefeuille, sans coût pour eux. Les prêteurs, quant à eux, aiment plutôt les conglomérats ou les entreprises très diversifiées qui réduisent leurs risques de non remboursement. On observe ainsi qu’ils sont en général prêts à leur prêter à un taux d’intérêt un peu moins élevé. Mais cette économie, qui est souvent de l’ordre de l’épaisseur du trait, a tôt fait d’être gommée et au-delà par l’apparition d’une décote de conglomérat et de coûts de supervision et de complexité propres à ces organisations.

Un autre exemple. Si votre coût de la dette est de 2 % et que vous achetez une entreprise qui a un coût de la dette de 7 % parce qu’elle est très risquée/endettée, le coût de la dette de votre groupe après cette acquisition ne devrait pas rester à 2 % car les prêteurs vont se rendre compte que vous êtes maintenant un peu plus risqué qu’avant cette acquisition. Évidemment, si la taille de cette acquisition est très petite par rapport à la taille de votre entreprise, les prêteurs ne remarqueront pas et vous pouvez continuer avec un coût de la dette de 2 % et remplacer une dette de 7 % par une dette de 2 %. Vous réaliserez 5 % d’économies sur les intérêts, mais comme la taille de cette acquisition est très petite par rapport à votre groupe, les économies seront négligeables pour vous, et point n’est besoin d’en parler.

Lorsque les tailles ne sont pas si dissemblables que cela, par exemple 10 et 3 – et non 10 et 0,5 – certains pourraient croire que les actionnaires ou les prêteurs ne remarqueront pas et que le coût de votre dette restera à 2 %. Peut-être pour quelques semaines ou quelques mois. Sur une période plus longue, ce serait un pari contre l’intelligence collective des acteurs du marché, le genre de paris très difficiles à gagner et très souvent perdus.

Notre expérience en fusions-acquisitions nous a appris que les synergies financières sont la dernière astuce utilisée par les conseillers pour justifier l’intérêt d’une acquisition lorsque la valeur des synergies opérationnelles n’est pas suffisante pour justifier le type de prime de contrôle nécessaire à la conclusion d’une transaction (et bien sûr au paiement de commissions de succès, pour ne pas mentionner les bonus pour les conseillers quelques mois après).

Il n’est pas toujours facile de juger, quelques heures après l’annonce d’un accord de fusion et acquisition, si cela conduira à la création ou à la destruction de valeur. Mais une chose est sûre : si le communiqué de presse mentionne des synergies financières, considérez que les acteurs de cette transaction pensent que c’est un accord destructeur de valeur. Et si ces initiés pensent qu’il s’agit d’un accord destructeur de valeur, il est très peu probable que de la valeur soit créée par ce rapprochement.

 

Cet article a été initialement publié dans la Lettre Vernimmen.net n°158 (avril 2018). Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.

Cet article a également été publié sur Vox-Fi le 3 mai 2018.