Qui s’endette s’enrichit !
Edouard Stern, banquier célèbre à plusieurs titres, aimait à dire que « le seul argent que l’on a gagné est celui que l’on a dépensé ». Mais sauf à être né riche ou à quitter ce monde couvert de dettes (j’ai dit de dettes !), pour être en mesure de dépenser de l’argent il faut être capable d’en générer pour soi… Or, même si certaines fortunes ont été constituées uniquement par capitalisation sur un actif en fort développement (je pense à Bill Gates), ou sur un génie bien monnayé (prenons Picasso), l’essentiel des enrichissements résulte de l’endettement.
La théorie du levier illustre facilement l’apport de l’endettement dans l’augmentation possible de la rentabilité d’un investissement : si pour acquérir un actif qui génère une rentabilité de 10 % sur un an, je m’endette à hauteur de 90 % au taux de 6 %, mon investissement générera une rentabilité de 46 %. En contrepartie, ce levier s’accompagne pour les investissements à risque d’une augmentation significative dudit risque (à titre d’illustration, si l’actif n’extériorise finalement qu’une rentabilité de 5 %, celle de mon investissement financé avec le même levier devient négative…).
Le chapitre du Vernimmen consacré au levier commence par « l’effet de levier, beaucoup de bruit pour rien » ! L’effet de levier est considéré comme une « tautologie comptable (…), un simple facteur explicatif de la rentabilité des fonds propres et rien de plus ». La théorie financière classique (Modigliani, Miller…) démontre la neutralité de cet effet de levier par des raisonnements d’arbitrage. Le taux de rémunération des fonds propres doit être nécessairement supérieur lorsque le levier est plus élevé, l’effet de levier ne crée de ce fait pas de richesse.
Cependant, une hypothèse fondamentale de ces théories est que les marchés des capitaux sont parfaits, c’est-à-dire qu’il est possible de s’endetter ou de prêter sans limite et sans frottement, pour permettre à tout acteur de pouvoir réaliser les arbitrages. Or, tous les acteurs n’ont pas les mêmes capacités d’emprunt. Et le paradoxe de l’emprunt rare mais pas cher a une fâcheuse tendance à perdurer depuis des décennies ! Tant le niveau réel des taux d’intérêt que celui de la rémunération du risque justifient de qualifier de très bon marché le coût de l’emprunt. S’endetter pour investir (pas pour dépenser ou combler les déficits) est globalement créateur de richesse !
Que font les départements trading pour compte propre des grandes banques si ce n’est utiliser des fonds propres très réduits au regard des sommes mobilisées ? L’enrichissement qui en découle semble bien aller dans le sens de mon propos. (Ces banques bénéficient d’un double privilège très rare d’accès quasi illimité à l’emprunt et de coûts d’arbitrage quasi nuls).
Que font les « grands capitaines d’industrie » qui achètent à crédit des entreprises, ou se reluent dans leur propre entreprise (je pense à Messieurs Pinault, Arnault, Bouygues) ? Il est frappant de voir parmi les toutes premières fortunes françaises principalement des entrepreneurs qui ont bénéficié d’un accès au crédit sans égal.
Archimède demandait un point fixe pour soulever le monde, l’entrepreneur cherchera à multiplier les investissements intrinsèquement rentables.