Existe-t-il de bons entrepreneurs ? Quatre chercheurs américains ont publié un article qui montre une persistance dans la performance des entrepreneurs (1). Désignant par « entrepreneurs » les créateurs d’entreprises, et considérant le « succès » comme le fait d’aboutir à une cotation en bourse ou à un rachat, ils montrent que les entrepreneurs qui ont réussi une fois ont plus de chance de réussir encore : le succès n’est pas seulement une question de chance. L’étude économétrique utilise un échantillon de 3 796 entreprises créées entre 1986 et 2000 (2) aux Etats-Unis.

Selon les auteurs, le succès appelle le succès via deux effets complémentaires.

 

Certains entrepreneurs sont plus doués que d’autres

 

Cette idée simple ne surprend pas, mais l’article permet de quantifier l’effet. Une affaire lancée par un entrepreneur qui a déjà rencontré le succès a 30 % de chance de réussir, contre 21 % pour un entrepreneur débutant et 22 % pour un entrepreneur ayant échoué. L’écart est économiquement assez faible, mais il est statistiquement significatif. Les auteurs supposent qu’il peut être sous-estimé parce qu’une partie de ceux qui réussissent le mieux ne se lancent pas dans de nouveaux projets (3).

La réputation de l’entrepreneur entraîne des effets vertueux pour un nouveau projet

Le fait qu’un entrepreneur soit perçu comme talentueux peut favoriser le développement d’une nouvelle entreprise. Les clients et fournisseurs lui font davantage confiance, les sources de financement sont obtenues dans de meilleures conditions, les meilleurs ingénieurs sont plus facilement recrutés.

 

Pour prouver la complémentarité de ces deux effets, l’article distingue deux types de compétences :

 

  • une compétence en market-timing, correspondant au fait de fonder une entreprise dans le bon secteur au bon moment. C’est le cas lorsque les entreprises du secteur considéré fondées la même année ont été nombreuses à réussir (4). Les auteurs montrent que cette compétence est persistante : les entrepreneurs qui ont bien choisi leur industrie et leur année pour leur premier projet choisissent encore bien pour les suivants. Ceci ne peut être attribué à un effet réputation, il s’agit donc bien de compétences réelles de l’entrepreneur.

 

  • une compétence « résiduelle », mesurée par l’écart entre la réussite effective et la probabilité de réussite selon l’industrie et l’année de lancement. Elle provient notamment de la compétence managériale et de la qualité de l’idée de l’entrepreneur. Une partie de cette compétence résiduelle est attribuable à un effet réputation.

 

Enfin, l’article apporte un éclairage sur des études précédentes, qui montraient que les entreprises financées par les plus grands fonds de capital-risque (5) réussissaient plus souvent. Ce phénomène n’est plus vrai lorsqu’on se concentre sur les projets des entrepreneurs ayant acquis une bonne réputation. La valeur ajoutée de ces fonds consiste à identifier les meilleurs projets ; elle est réduite lorsque la qualité de l’entrepreneur est reconnue par tous.

 

(1) P.GOMPERS, A.KOVNER, J.LERNER et D.SCHARFSTEIN (2010), Performance persistence in entrepreneurship, Journal of Financial Economics, n°96, pages 18-32.
(2) L’échantillon est forcément assez ancien pour permettre de juger le succès (cotation ou rachat jusqu’à fin 2007).
(3) Certains restent dans leur entreprise après la cotation ou le rachat, d’autres se retirent des affaires après avoir fait fortune.
(4) Les auteurs donnent en exemple les entreprises de matériel informatique lancées en 1983 qui ont été 52 % à réussir, contre 18 % en 1985.
(5) Le premier d’entre eux est Kleiner Perkins Caufield & Byers.

Cet article a été publié une première fois sur Vox-Fi le 8 décembre 2010.