Le taux d’inflation à 0.5% en mars pour la zone Euro est une alerte. A l’exception de la période 2008/2009 durant laquelle d’importants mouvements étaient observés sur le prix du pétrole, l’évolution des prix n’avait pas connu un niveau aussi réduit.
Le graphique ci-dessous retrace l’évolution sur un an de l’indice des prix de la zone Euro ainsi que le taux d’inflation sous-jacent

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Dans ce contexte, deux points doivent être soulignés.

Le premier est qu’effectivement le taux d’inflation est réduit et cela peut avoir une incidence sur les comportements directement et via les anticipations. Ceci doit être mis en avant car la BCE n’anticipe pas un retour rapide vers l’objectif de 2%. En 2016 elle considère que l’inflation sera à 1.5%, ce qui reste loin de la cible.
Ce taux d’inflation de 2% est perçu comme neutre et ne pas engendrer de distorsion de comportement. En revanche s’il est durablement au dessous , il peut y avoir un coût économique. Cela passe notamment par un ajustement réduit des salaires nominaux, pas d’illusion nominale,  et une incitation à dépenser qui est réduite. C’est pour éviter de rentrer dans cette dynamique qui peut avoir une tonalité un peu dépressive que la BCE doit intervenir, elle doit changer les anticipations afin que les anticipations convergent plus rapidement vers l’objectif de 2%.
Le deuxième point est que le mouvement d’affaiblissement de l’inflation vient davantage des matières premières que de l’inflation sous-jacente. Le graphique ci dessous montre l’évolution de l’indice des prix au cours du premier trimestre de 2011 à 2014.
Sur la partie gauche du graphe, l’indice utilisé est l’indice des prix, alors que sur la partie droite c’est l’indice des prix sous-jacent.
On note que si l’évolution des prix ralentit franchement pour l’indice des prix, il est stable pour l’indice sous-jacent.

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En d’autres termes, la réduction de l’inflation résulte principalement des matières premières (énergie, alimentaires) qui ne sont pas contenues dans l’indice des prix sous-jacent.
L’ambiguïté dans la situation de la BCE est qu’elle ne peut éventuellement agir que sur la partie sous-jacente mais qu’elle doit intervenir globalement pour modifier les anticipations de l’ensemble des acteurs économiques et réduire ainsi le risque de déflation et des conséquences négatives qui s’y attache (voir ici).
Cependant, se pose la question du mode d’intervention de la Banque Centrale Européenne. Elle ne peut pas faire spontanément du Quantitative Easing comme a pu le faire la Federal Reserve américaine, les VLTRO sont compromis car rien ne garantit que les banques utiliseront les liquidités pour faire davantage de crédit aux PME et les achats de produits titrisés sont limités par la taille du marché. On peut imaginer une suppression de la stérilisation des opérations SMP. Cela apporterait d’un coup 175 milliards mais pas plus dans le temps.
La situation périlleuse que l’on perçoit en zone Euro vient de cela, vient de ce que les instruments disponibles pour la politique monétaire sont très restreints.La nécessité de changer les règles de fonctionnement de la BCE doit être envisagée.
Le risque à ne pas agir très rapidement est que les anticipations se dégradent encore  et que le processus de déflation s’auto-entretienne. Cette dynamique pourrait alors affecter par contagion la partie sous-jacente. Là il sera trop tard car les effets négatifs sur l’activité seront plus marqués et s’inscriront dans la durée.

 

Cet article a été préalablement publié sur le site de Philippe Waechter.