Réforme des retraites et peur des français
Observant les différents défilés contre la réforme des retraites qui se radicalisent semaine après semaine, la presse cherche la comparaison avec des précédents historiques : manifestations anti CPE (2006), réforme Juppé des retraites (1995) , Mai 1968 , Front Populaire de 1936, etc.
In fine, le meilleur parallèle cité par la presse est certainement la défaite de 1940, les délocalisations étant perçues comme l’équivalent des Panzerdivisionen, tandis que le pacte social construit en 1945 (nationalisations, Sécurité Sociale universelle, etc.) tient lieu de ligne Maginot. Nos certitudes s’écroulent l’une après l’autre, comme le sentiment en 1940 d’être la meilleure armée du monde…
Cette désespérance de nos concitoyens devant cette poussée du réel (que nous refusons de voir), le fait que nous n’y soyons pas préparés (alors que la guerre du Kippour et l’affaire Lip datent pourtant de 1973 !) résultent de la combinaison de trois éléments convergents :
• L’extrême fossilisation de la société civile française qui ne bouge significativement que lors de crises ou de lendemain de guerre (1917,1945, 1968), tout changement nécessaire négocié « à froid » étant rejeté a priori, car non compatible avec les exigences du moment.
• L’extrême dogmatisme des syndicats ouvriers et patronaux, qui ne savent que s’accrocher désespérément aux symboles du passé : Jaurès, le Front Populaire, le programme du C.N.R., les acquis de Mai 1968 (à conserver ou abattre, c’est selon), le tout dans une peur partagée de l’ international , même proche européen (fin des années 50, le PCF et le CNPF étaient tous les deux vent debout contre la construction de la C.E.E.) Cette crispation sur la nostalgie d’un passé qui ne reviendra jamais a produit en France ce qu’on appelle « le syndrome du docker » (en clair Marseille et le Havre), où les quelques dockers qui restent encore sont, certes, magnifiquement protégés, mais chaque jour de moins en moins nombreux , les cargos « votant avec leur hélice » en allant décharger à Gênes ou à Rotterdam.
• Enfin, la lâcheté de nos hommes politiques de tout bord, qui font tout pour laisser croire à nos concitoyens que l’Etat tout puissant les protègera et les assistera tout au long de leur vie (ce qui légitime leur pouvoir, donc leur élection) , le rêve de beaucoup de français, étant de « devenir postier, d’épouser une institutrice, et de mourir guéri avec les pompes funèbres payées d’avance par l’ Etat… ». La crise financière de 2008 aurait été l’occasion rêvée (mais perdue) de dire aux Français que notre modèle économique en vigueur depuis 1945, à savoir une consommation vigoureuse, appuyée par des forts transferts sociaux, eux-mêmes soutenus par d’importants prélèvements sociaux, avait vécu. Que nenni ! La croissance de 2 % en 2011 est censée fournir la majorité des 40 Mds d’Euros ( 2 % de P.I.B.) d’économies recherchées et l’équilibre budgétaire nous est promis (cette fois-ci, c‘est du sérieux !) pour 2016 (dixit F. Baroin).
Gageons (malheureusement) que la perte du AAA de la note souveraine française, que les économistes sérieux anticipent pour 2012, se chargera de fournir à nos hommes politiques les arguments qu’ils n’ont pas le courage d’expliquer eux-mêmes…