Alors que plus de 7 000 milliards de dollars ont été déboursés par les Etats, de part et d’autre de l’Atlantique, pour sauver les banques plongées dans la tourmente de la crise financière, ces derniers entendent bien faire revenir leurs « fils prodigues », les évadés fiscaux, afin de remplir leurs caisses désormais désespérément vides.

Le premier épisode de ce long feuilleton qui s’annonce pourrait bien être l’affaire UBS. Le Département de la justice des Etats-Unis exige en effet du géant bancaire suisse, depuis le 20 février, des informations sur 52 000 titulaires de comptes soupçonnés d’avoir contourné le fisc américain ; UBS a jusqu’au 30 avril pour présenter sa défense. Ce « business » transfrontalier aurait été réalisé entre 2000 et 2007 par de hauts cadres de la banque aux États-Unis attirant plusieurs milliers d’Américains fortunés. Egratignant au passage le sacro-saint secret bancaire, garanti par sa constitution, la Suisse avait pourtant déjà accordé, quelques jours plus tôt, l’entraide administrative aux États-Unis, s’engageant à révéler l’identité de 250 titulaires de comptes accusés d’avoir fraudé le fisc américain, mais aussi à verser 780 millions de dollars d’amende… Une bagatelle, quand on sait qu’un retrait de licence outre-Atlantique priverait UBS d’un marché juteux de plusieurs milliards de dollars.

Ce bras de fer entre les Etats-unis et nos voisins helvètes paraît hypothéquer l’avenir du marché de gestion de fortune suisse dont le secret bancaire constitue l’un des principaux attraits. En 2008, Mathias Bueeler, analyste chez Kepler Capital Markets à Zurich, s’appuyant sur une étude de chercheurs de l’Université de Lausanne et Zurich, avait d’ailleurs estimé que le secret bancaire représentait en moyenne 10 % de la valeur des banques privées suisses. Autant dire que si UBS venait à perdre la bataille et que cette affaire devait faire jurisprudence, c’est toute l’industrie financière suisse qui se retrouverait en sursis.

Les autres paradis fiscaux ont eux aussi du souci à se faire. Interrogé par Libération, Daniel Lebègue, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, aujourd’hui à la tête de Transparency International France, déclarait ainsi le 20 février : « Dans le cadre de la coopération internationale en matière douanière, fiscale ou judiciaire, il me paraît clair que la position de tous les autres paradis fiscaux, et d’abord de ceux qui existent en Europe, devient intenable. » Alors, qui sera le prochain sur la liste ? Les paris sont ouverts.

Raphaël Ozier