Savoir décider dans l’urgence
Le temps constitue une des variables clés du management. Bien gérer une équipe ou un dossier est essentiel… Surtout depuis que la technologie a raccourci le délai de prise de décision. En la matière, les enseignements des militaires ou des médecins urgentistes s’avèrent précieux. Dans un environnement de travail de plus en plus complexe et tendu, le temps constitue un facteur clé. Les managers le savent bien. Ils sont les premiers concernés car leurs décisions, époque oblige, se prennent de plus en plus dans l’instantanéité.
Le temps constitue une des variables clés du management. Bien gérer une équipe ou un dossier est essentiel… Surtout depuis que la technologie a raccourci le délai de prise de décision. En la matière, les enseignements des militaires ou des médecins urgentistes s’avèrent précieux.
Dans un environnement de travail de plus en plus complexe et tendu, le temps constitue un facteur clé. Les managers le savent bien. Ils sont les premiers concernés car leurs décisions, époque oblige, se prennent de plus en plus dans l’instantanéité.
Les rythmes de travail se sont accélérés depuis une dizaine d’années. Et ils continueront d’aller toujours plus vite ! Quelles en sont les raisons ? Le développement de la technologie, entre autres motifs. Smartphones, courriels et autres moyens de communication font une intrusion permanente dans nos activités. Les réponses sont attendues en temps réel. Le temps de la réflexion se raccourcit ou est purement et simplement supprimé. Nos activités se superposent dans la simultanéité. Plusieurs dossiers, chantiers, projets s’additionnent. Tous demandent un traitement particulier et tous, par définition, sont prioritaires. Le « hic » étant de hiérarchiser ces priorités. Le rythme des journées est souvent saccadé en raison d’ interruptions inattendues et notre capacité de concentration est inversement proportionnelle à la quantité des sollicitations. Le risque d’usure n’est pas loin, surtout parce qu’il est de bon ton de montrer que nous sommes très actifs et très occupés. Les dossiers en cours sont nombreux, les sujets aussi et les décisions se multiplient au cours des heures et des jours.
Analyse, communication et Application
Face à cette course après ce temps qui nous rattrape en permanence, comment réagissons-nous ? La société de l’instantanéité dans laquelle nous vivons nous plonge dans un « syndrome collectif de la vitesse (1) ».
Une décision dans l’urgence, qui diffère dans sa nature d’une décision de crise, requiert une grande rapidité d’analyse, une prise de position définitive, une communication et une application où l’espace-temps est tellement réduit qu’il n’existe plus, et qu’aucun recours à cette notion n’est possible. Le manager se retrouve dans une seule situation : l’action.
Domaine de l’imprévisible, de l’impondérable, il faut apporter une réponse rationnelle à une émergence irrationnelle. Considérons la situation d’une entreprise qui se voit confrontée à une fausse rumeur sur sa santé financière, rumeur qui commence à se propager à l’extérieur de ses murs. La réaction doit être intempestive et instantanée : communiqués de presse, article sur le site Web et autres outils relevant de la technologie de l’information et de la communication (TIC). Tous seront utilisés sans perdre de temps pour démentir les informations qui circulent sans fondement.
Dans certaines situations, l’entreprise et/ou son manager, se trouvent face à des décisions politiques ou dans l’impossibilité de dire « non » aux sollicitations des actionnaires. Il est donc capital de disposer d’un « plan B », d’avoir fait des prévisions qui offrent une solution de sortie appropriée à chaque situation. En effet, contrairement à certains contextes anglo-saxons qui la tolèrent, l’erreur n’est jamais admise en France.
Les trois actes du management
Pour ce qui est de la décision de crise, celle-ci sous-entend l’existence d’un problème et les enjeux diffèrent. La crise place l’entreprise face à une dégradation brutale de la situation. C’est un moment important, grave et parfois décisif dans la vie d’une institution, un état critique qui nécessite un savoir-faire pointu. Lors d’une crise sociale, un conflit collectif peut tout désorganiser. Il est déterminant de percevoir rapidement la gravité de la situation, les priorités induites et les décisions les plus adaptées aux circonstances.
Dans le monde des entreprises, comment sont préparés les décideurs ? Que se passe-t-il au moment même de la prise de décision ? Comment, analyse-t-on, en amont, les conséquences et les répercussions, d’une décision déterminée ? Comment ce processus est-il vécu dans des structures dont le mode de fonctionnement est l’instantanéité ? Il s’agit en parallèle d’expliquer les trois actes clés du management : être en mesure de détecter rapidement l’origine de la situation à résoudre, savoir opter pour une décision, c’est-à-dire, trancher, puis communiquer et appliquer et/ou faire appliquer la solution.
En analysant l’amont, c’est-à-dire la phase qui précède une prise de décision, il apparaît qu’anticiper et se préparer est une exigence absolue pour réagir de la manière la plus adéquate lorsqu’une décision doit être prise, contre le temps, sans écarter la rélexion, dans l’instantanéité.
L’anticipation ou la réflexion en amont reposera sur des systèmes d’information et des outils prévisionnels performants. Les décideurs privilégieront la qualité par rapport à la quantité d’informations et admettront, consciemment, qu’ils doivent renoncer à leur désir de tout maîtriser. La capacité de réaction et l’efficacité de l’action du décideur seront induites par son degré de préparation et son expérience.
Le moment décisif : la prise de décision
Il faudra avoir une compréhension extrêmement rapide de la situation, dans sa globalité, afin de mettre en œuvre sans délai le mode d’action approprié. Agir le plus eficacement possible en organisant, en rassemblant et en rationalisant les efforts conjoints et simultanés de tous les intervenants tout en veillant à l’homogénéité et à la cohérence des différentes interventions.
Les décideurs se trouvent alors face à un calcul des risques par rapport aux différentes opportunités qui s’offrent à eux, processus parallèle et concomitant à l’analyse du rapport coûts engagés/bénéfices.
Dans cette phase, la communication est un atout fondamental : en interne, elle facilite les différentes actions et optimise le temps de réaction ; en externe, si cela s’avère nécessaire, elle alerte, elle informe et permet également de maintenir et conserver la confiance en l’avenir des parties impliquées.
Deux professions, deux points de vue
Les managers ne disposent pas toujours de l’ensemble des informations nécessaires pour faire leurs choix. Ils doivent cependant associer la pertinence de la réponse et l’analyse des effets possibles et supposés tout en assumant leurs responsabilités.
Les enseignements tirés du passé sont des repères fondamentaux pour les décideurs à ce stade de la prise de décision. Leurs capacités d’adaptation et d’évolution associées à leur habileté à se projeter dans le futur, à penser de façon prospective, complètent le dispositif.
Analysons maintenant deux approches complémentaires à celle de l’entreprise : celle des militaires en opérations et celle des médecins-urgentistes.
Un militaire… « Au cœur du dispositif de la prise de décision dans l’urgence, il y a la confiance » déclare le colonel Denis Parmentier (Armée de terre). Cette confiance est déclinée en trois dimensions : la confiance en soi, pour susciter l’adhésion de ses collaborateurs, la confiance dans les autres (hiérarchie ascendante ou descendante) et la confiance des autres.
« En cas d’embuscade, ajoute le Colonel Parmentier, nous réagissons selon les scenarii que nous avons envisagés. Nous sommes parfaitement entraînés (2). Nous disposons de notre « pack vital ». Face à une situation totalement inattendue, nous aurons recours à nos qualités et nos valeurs pour prendre la décision appropriée comme la souplesse d’esprit, le sens de l’initiative, la capacité à prendre des risques, défensifs et offensifs, le courage, la persévérance et la tempérance », précise-t-il, pour conclure.
… et un médecin-urgentiste : « Il est très important de savoir gérer ses émotions, d’éviter le syndrome du « rien ne va plus ». Il faut savoir garder son sang-froid », explique le professeur Jean-Louis Pourriat, chef des services des urgences de l’Hôtel-Dieu et de l’Hôpital Cochin de Paris. Un médecin-urgentiste et son équipe disposent d’un canevas d’interrogations qui leur permet d’affronter les situations les plus imprévues. « Nous ne pouvons pas fonctionner au feeling » ajoute-t-il. « L’urgentiste doit être en mesure de conserver ou reprendre le contrôle de la situation, de réagir immédiatement à l’élément perturbateur. Ce canevas se construit grâce à l’exercice, la pratique, l’analyse des dysfonctionnements, en un mot : l’expérience. »
Pour le professeur Pourriat, savoir s’entourer et pouvoir s’appuyer sur une équipe fiable dans les moments critiques sont deux impératifs pour un médecin-urgentiste. Il est illusoire de penser qu’un seul homme possède et trouve en lui tous les bons rélexes, la bonne rélexion et puisse appliquer les bonnes solutions.
Quelques conseils-clés pour des décisions rapides
Passer à l’action sans plus attendre, mais comment et dans quelles conditions ? Il existe des clés, et des qualités humaines et comportementales à développer pour faire face à des décisions sous la contrainte temporelle.
En premier lieu, il est indispensable de faire preuve d’humilité et d’accepter que rien (ou presque) ne se produise comme prévu. Ensuite, les décideurs seront dûment formés et se seront entraînés. En s’appuyant sur des scénarios et simulations d’événements appris et répétés, la décision devient presque un réflexe. Puis entrent en ligne de compte, l’expertise, la pratique et le savoir-faire technique qui sont liés au vécu et à l’expérience d’événements analogues.
Enfin, l’intelligence des situations et la capacité à savoir tirer partie d’une situation quelle qu’elle soit joueront un rôle important dans une telle situation. Bien gérer ses priorités. Il convient de définir si nous nous trouvons actuellement en situation de « passagers d’une voiture dont la portée des phares diminue en proportion de son accélération (3) ».
Plusieurs défis doivent être relevés : celui de la confiance, afin de faire en sorte que tous les collaborateurs y adhérent, qu’ils soient de plus en plus autonomes, fiers, motivés et responsables ; celui de la gestion des priorités, de savoir faire des choix, en fonction de critères qui évoluent et en cohérence avec l’entourage professionnel. Et surtout, le défi de tout décideur digne de cette fonction : donner du sens à ses actions, à ses décisions, être exemplaire et permettre à son équipe et aux personnes qui l’entourent de comprendre, d’être rassurées et faire preuve d’« esprit de corps ». Entre dolce farniente, l’oisiveté créatrice et la « turbo-décision », la réponse vous appartient !
(1) Trop vite ! Pourquoi nous sommes prisonniers du court terme, Jean-Louis Servan-Schreiber, Albin Michel, 2010.
(2) La méthode « Drill » permet de travailler son endurance en répétant inlassablement certains gestes qui deviendront rélexes ain de gagner la confiance qui permet de survivre et de vaincre.
(3) Trop vite ! Pourquoi nous sommes prisonniers du court terme, Jean-Louis Servan-Schreiber, Albin Michel, 2010.
Une structure artificielle du processus de prise de décision | ||
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Ce post est une reproduction d’un article publié dans la revue échanges datée de juin 2011.