Shell, qui a pour objectif de réaliser 30 % de son activité dans la production d’électricité décarbonée en 2030 et SSE, autre membre du FT100, actif dans les réseaux de distribution d’électricité, et qui construit en ce moment la plus grande ferme éolienne en mer, sont tous deux la cible d’actionnaires qui leur suggèrent depuis quelques semaines de se scinder en deux.

Nous pensons que ce type de critiques, voire de campagnes, vont s’intensifier dans les années à venir car, si la transition énergétique n’est pas simple à réaliser d’un point de vue industriel et humain, elle ne l’est pas non plus d’un point de vue financier.

Partant du principe que le but de tout organisme vivant, y compris les entreprises est la survie, on peut comprendre que des groupes pétroliers se soient dit qu’il n’y avait plus beaucoup d’avenir à long terme dans l’extraction de pétrole, et qu’il valait mieux investir dans les énergies nouvelles.

Au même moment, les investisseurs valorisent beaucoup plus cher en bourse les entreprises des énergies nouvelles. Ainsi Orsted vaut 15,3 fois son EBE, Neoen 18,4 fois, quand Shell, TotalEnergies et Exxon sont à 3,5 ; 4 et 4,9 fois respectivement. Si dans un monde pur et parfait, les investisseurs devraient être capables de valoriser un groupe pétrolier d’autant plus cher qu’il est avancé dans sa transition, force est de constater qu’il n’en est actuellement rien ; Shell est valorisé moins cher que Exxon, beaucoup moins avancé que le groupe britannique, comme l’on sait ! Dès lors, la tentation est forte pour des actionnaires de réclamer une scission qui permettrait de valoriser à 15 fois des actifs dont la contribution aux résultats de leur maison-mère n’est valorisée qu’à moins de 5 fois. Bref, quand la somme du tout vaut moins que la somme des parties, la pression pour une scission va croissant. Alternativement, avec des majors dont la valeur tombe en dessous des 100 Md€ (BP est à 80 Md€), des fonds de Private equity, qui verront la valeur que d’autres ignorent, pourraient être tentés de les faire sortir de la Bourse. Pour essayer d’éviter ces issues, les directeurs financiers ont tout intérêt à communiquer très régulièrement et très clairement sur leurs divisions énergies nouvelles. Mais nous ne sommes pas sûrs que cela suffise.

Et comme un certain nombre d’investisseurs se débarrassent de leurs actions pétrolières (ainsi ABP, la caisse de retraite des fonctionnaires hollandais – 528 Md€ d’actifs sous gestion – annonce vouloir vendre complètement d’ici début 2023 les 3 % de son portefeuille encore alloué aux énergies fossiles), cette tendance ne va pas disparaître.