Vivent les anachronismes !

Pourquoi ?

Parce-qu’ils nous donnent parfois un nouvel éclairage sur des questions ou des discours actuels. Comment choisir un bon KPI par-exemple ? C’est une question qui nous est régulièrement posée par nos clients. Assez classiquement, on peut livrer des éléments de réponse :

– Un KPI doit être aligné sur un objectif

– L’analyse d’un KPI doit pouvoir entrainer une décision

– La simplicité d’un KPI en fait sa richesse

– Un bon KPI est un KPI choisi par son utilisateur.

Arrêtons nous quelques instants sur ce dernier caractère et convoquons Socrate.

 

Connais-toi toi-même

Cette phrase fait partie des figures imposées de la philosophie. Elle n’est pas de Socrate, mais il l’a reprise à son compte, voyons donc ce que lui, philosophe du Vème siècle avant notre ère, aurait à dire sur la bonne utilisation des KPIs en entreprise. Existe-t-il une leçon de philosophie pratique à tirer de son enseignement pour un contrôleur de gestion ou un décideur de l’ère moderne ?

Socrate pourrait expliquer à son interlocuteur contrôleur de gestion que cette phrase rappelle l’importance du questionnement de soi ou de l’organisation à laquelle on appartient. Rien de plus pénalisant pour une entreprise que de ne pas analyser son fonctionnement, sa mécanique interne, sa relation aux autres acteurs (clients, employés, partenaires…). Au delà du reporting financier, il parait capital de suivre des KPIs.

Socrate pourrait également expliquer à son interlocuteur contrôleur de gestion que cette phrase laisse libre cours à la prospection et à la liberté d’investigation. Le KPI choisi doit permettre une richesse de questionnement et ne pas pouvoir se résumer à un système binaire vert ou rouge. Au contraire, le bon KPI va ouvrir des champs d’analyse, afin de pouvoir se poser la bonne question pour lancer la bonne action.

Pour revenir à des éléments plus pratiques, rien ne sert de suivre un KPI de type « volume de ventes » si l’on ne sait pas proposer à l’utilisateur une analyse plus riche des ventes par vendeur, par région, par gamme, par division… Sinon, quid de la prospection, investigation et intuition? On se résumerait à un simple indicateur montrant que le chiffre d’affaires est correct ou pas. Quel type de décision éclairée pourrait alors être prise ?

 

Maïeutique, immanence et KPIs

La pratique de Socrate postulait que la connaissance est immanente, qu’elle est en quelque sorte présente chez chacun d’entre nous et que ce que l’on peut nommer la sagesse consistait à se « souvenir » de ces connaissances. Un dialogue, une « maïeutique » permettait alors à Socrate d’amener son interlocuteur à comprendre qu’il ne savait pas ou a contrario à comprendre qu’il possédait des connaissances insoupçonnées.

Socrate pourrait expliquer à son interlocuteur contrôleur de gestion que les KPIs ont justement un rôle à tenir dans « l’art de faire accoucher les esprits ».

L’analyse d’un KPI va inaugurer un dialogue entre le contrôleur de gestion ou le décideur et l’organisation qu’il doit piloter. Un KPI ne doit pas pouvoir laisser indifférent. Bien choisi, partagé et utilisé en toute confiance, le KPI doit être vu comme le point de départ d’une réflexion. Il peut quasi immédiatement donner une information pertinente. Il peut aussi rapidement confirmer ou infirmer une opinion que se faisait le décideur sur la bonne marche de son activité. Plus globalement, il doit pouvoir être utilisé pour libérer l’intuition et ouvrir des perspectives d’analyse plus complètes.

Finalement, pour reconvoquer Socrate à la barre, on peut rapprocher l’utilisation des KPIs en entreprise avec ce que je crois comprendre de l’enseignement de Socrate. Toute son approche repose sur une manière de s’interroger et de se mettre en question. Une forme de souci de soi en quelque sorte. Il me semble que c’est justement l’enjeu de l’analyse de KPIs que de se soucier du sort et de la connaissance intime des rouages d’une entreprise.

 

Un bon KPI est un KPI choisi par son utilisateur

Cette connaissance intime du fonctionnement de l’entreprise, au prisme de l’analyse de ses KPIs, se rapproche, à mes yeux, de la démarche socratique.

Il s’agit de puiser dans un ensemble d’informations, soi-même chez Socrate, son entreprise pour les KPIs, un ensemble pré-existant dans les deux cas, et d’en faire émerger les connaissances qui y résidaient.

Mais cette maïeutique, dans l’entreprise en tout cas, ne peut réussir que si l’utilisateur a une totale confiance dans des indicateurs qu’il a lui-même choisis ou qui sont le fruit d’une vraie concertation entre les équipes chargées de les analyser, de les constituer, de les extraire ou de les développer.

La non-prise en compte de cet élément entrainera nécessairement des blocages :

– Choix d’un KPI complexe à produire et induisant des retards dans sa constitution : la donnée n’est pas à jour lorsqu’on l’analyse

– Choix d’un KPI facile à produire mais non choisi par les utilisateurs : la donnée ne sera pas utilisée.

 

Cet article a été initialement publié par Limpida le 20 décembre 2016. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.