Stock-options de la Société Générale : bonus et non outil d’association
Le plan de stock-options de la Société Générale, jusqu’à ce que ses quatre principaux bénéficiaires y renoncent véritablement, a fait couler beaucoup d’encre pour de bonnes et de mauvaises raisons. Certains y ont vu un moyen facile en ces temps mouvementés pour dénoncer le méchant capitalisme, d’autres pour détourner l’attention des vrais maux de l’économie actuelle, d’autres encore pour régler des comptes personnels… Comme l’a dit Henri de Castries lundi 23 mars, « les stock-options ne méritent ni tant d’honneur ni tant d’indignité ».
Il a été reproché aux dirigeants d’avoir choisi une date qui permet de bénéficier d’un « effet d’aubaine ». Sauf à considérer que les conditions d’attribution aient été antidatées, il n’y aucune raison de penser que la direction générale de la banque fut en mesure de déterminer le meilleur moment pour fixer les caractéristiques. Un cours historiquement bas ne préjuge pas d’une remontée certaine de la valeur boursière d’une action. Même si, depuis le début de la crise actuelle, il a été écrit et dit beaucoup de choses sur la pertinence des marchés financiers, si tous ceux qui pensent que le marché est anormalement bas poussaient la logique de leurs affirmations en « profitant » de ce qu’ils considèrent comme une opportunité, les cours seraient à des niveaux plus élevés !
Le vrai sujet est de savoir s’il s’agissait ou non de donner accès aux dirigeants de la Société Générale à des bonus, sujet quelque peu sensible politiquement s’agissant d’une société qui a été récemment soutenue par l’Etat. Et la réponse est claire : il s’agissait d’un élément de rémunération offert à des dirigeants.
Même si ces stock-options étaient « soumises à des conditions de performances exigeantes » et même si le dispositif reposait sur « un mécanisme intrinsèquement complexe », pour reprendre les termes employés par la direction de la Société Générale dans la lettre envoyée à l’ensemble des salariés à l’issue de la décision de renoncement de ses quatre principaux managers, ce plan permettait d’attribuer gratuitement des outils financiers qui ont de la valeur. Ces stock-options sont des bonus, certes pas en cash, mais sous forme de produits dérivés. Le gain potentiel est difficile à estimer aujourd’hui, mais il suffit, pour mesurer la valeur que ces quatre dirigeants leur attachaient, de recenser l’ensemble des pressions qui ont dû être exercées sur eux pour qu’ils y renoncent.
Faire converger les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires est un bon principe. Cependant, ce n’est pas en donnant des titres de capital ou d’accès au capital, que ce soit à un manager ou à qui que ce soit d’autre, que l’on fait de ce bénéficiaire un véritable actionnaire. Il reste intéressé à l’évolution de la valeur de sa société, mais n’a pas pris de risque d’investissement.
Il est compréhensible qu’acheter des actions de la société qui vous emploie puisse être compliqué, en fonction de ses problématiques patrimoniales propres. Il se pose en outre des problèmes spécifiques de diversification du risque, puisque le manager est déjà largement « investi » dans son entreprise, source généralement de la très grande majorité de ses revenus.
Une solution pour associer des managers à leur société : leur proposer d’acquérir des bons de souscription d’action. Que l’émission soit réservée aux seuls managers ou ouverte au public, le manager peut prendre sa part de risque capitalistique et démontrer la convergence de ses intérêts avec ceux des actionnaires. Le bon permet de bénéficier d’un effet de levier limitant ainsi les sommes à mobiliser et accentuant la sensibilité du manager aux performances boursières de sa société (ou au prix de cession de ses actions dans le cas de sociétés non cotées).
Les caractéristiques du bon, qu’il s’agisse des paramètres classiques tels le prix ou la période d’exercice, peuvent être librement définies pour coller au plus prêt des objectifs recherchés. Le bon est en outre un outil juridique très souple, parfait support à innovation, qui peut, par exemple pour renforcer son caractère d’association à terme des managers, être exerçable en actions incessibles pendant une certaine période. Seule réserve, que le prix d’émission soit en cohérence avec les caractéristiques du bon, sujet qui évidemment ne se pose pas avec les bonus sous forme de stock-options.
Thomas Bouvet