La troisième vague de « stress tests » qui aurait lieu en février devra identifier les banques à problèmes et apporter des solutions soit en capital soit par la restructuration ordonnée des acteurs les plus fragiles.

 

Les multiples rebondissements de la crise dans la zone euro occupent le devant de l’actualité, mais un élément central ne varie guère : le système bancaire européen n’a pas été remis d’aplomb. La paralysie de la décision publique dans ce domaine, depuis plus de deux ans, nous coûte de plus en plus cher. Qu’on en juge par les deux principaux épisodes de l’année 2010.
En avril-mai, il y avait de solides raisons pour envisager une restructuration de la dette grecque. Mais la fragilité des banques exposées au risque grec, notamment en Allemagne et en France, a forcé les Européens à garantir cette dette pour trois ans. En novembre, une option possible aurait été d’imposer des pertes aux détenteurs de dette senior des banques irlandaises. Mais cela aurait immédiatement renchéri l’accès au crédit d’autres banques européennes mal-en-point, et donc le renflouement de cette dette a constitué une part importante du plan d’assistance à l’Irlande. Dans les deux cas, il n’y avait en fait guère de choix sur le moment.
Mais le résultat, protéger les détenteurs de dette au détriment des contribuables européens, est d’une injustice flagrante, et précipite un débat sur la solidarité et le fédéralisme budgétaire pour lequel les pays européens ne paraissent pas bien préparés.
Les Européens payent ainsi l’absence d’action pour rendre le système plus résistant au moment où les marchés étaient plus calmes, au second semestre 2009 ou à l’été 2010. En septembre 2009, une première série de « stress tests » est passée largement inaperçue, car ces résultats n’ont pas été rendus publics. Une deuxième vague, avec des résultats publiés en juillet 2010, a suscité plus d’espoirs, mais a finalement échoué à restaurer la confiance. On nous annonce une troisième séquence qui démarrerait en février 2011.
Mais pour que celle-ci ait une chance de réussir, il faudrait traiter les défauts de conception des précédentes tentatives.
L’histoire des sorties de grandes crises financières passées (États-Unis en 1989-1990, Suède en 1992-1993, Japon en 2002-2003, États-Unis en 2009) suggère trois composantes essentielles.
Premièrement, il faut identifier les banques à problèmes par un « triage » ou passage en revue systématique des bilans de toutes les principales institutions financières en Europe.
L’importance des liens financiers transfrontaliers empêche de mener ce processus efficacement à un niveau national : l’autonomie laissée aux États participants en juillet dernier explique la faible crédibilité des résultats. Une autorité centrale doit donc être habilitée à vérifier les données communiquées par chaque pays et à s’assurer qu’elles sont bien comparables.

Deuxièmement, les banques dont la situation a été identifiée comme fragile doivent lever de nouveaux capitaux. Comme en juillet, les prochains « stress tests » sous-estimeront les besoins en capital car l’UE ne peut pas assumer explicitement un scénario de défaut souverain, de peur qu’une telle hypothèse ne devienne autoréalisatrice. Pour compenser, il faudra renforcer les hypothèses sur les autres facteurs de risque et imposer une mesure du capital plus rigoureuse que le ratio Tier One utilisé la dernière fois. Par ailleurs, l’exposition de chaque banque au risque de chaque pays devra être mieux expliquée et comparée avec les états financiers publiés par ailleurs et les statistiques de la Banque des règlements internationaux.

Troisièmement, les banques qui ne parviendraient pas à lever les capitaux nécessaires devront être restructurées : soit vendues de force à des acteurs plus solides, soit démantelées de manière ordonnée.
Ce processus doit également être piloté au niveau central pour assurer équité et efficacité.

 

Les difficultés sont légion, y compris potentiellement la cession de « champions » bancaires nationaux à des groupes étrangers, des suppressions d’emplois, une perte de face pour certaines autorités publiques, la nécessité d’adopter de nouvelles législations d’urgence et sans doute de créer une structure supranationale temporaire spécialement consacrée au traitement de la crise, et l’engagement de fonds publics qui devra en partie être négocié multilatéralement. Mais l’alternative est pire : la prise en otage toujours plus coûteuse de la décision publique par un système bancaire malade, au risque de perturber les équilibres politiques fondamentaux de l’UE.