Suite au billet « Faut-il donner des points supplémentaires au permis de conduire pour le redressement de l’industrie automobile française ? »
Quelques membres du comité éditorial du Blog se sont réunis pour débattre sur l’avenir de l’automobile française. Ce débat fait suite à l’article de Daniel Bacqueroët intitulé Faut-il donner des points supplémentaires au permis de conduire pour le redressement de l’industrie automobile française ?
Le problème du généraliste
Les constructeurs automobiles français sont des généralistes : ils ne recherchent pas un marché de niche comme les constructeurs allemands (Mercedes ou BMW). Il existe un déficit d’image pour les constructeurs français par rapport à ces deux incarnations du luxe automobile. La comparaison peut se faire avec Volkswagen. La firme a réussi à se créer une niche d’image avec Audi. Le fait que les constructeurs français soient plus orientés vers une production de masse à prix abordable ne contribue pas à la création d’une image élitiste. Leur image correspond à des véhicules de grande diffusion, assez populaires. Il paraît difficile d’avoir sous la même marque des véhicules haut de gamme. Les constructeurs français et italiens n’y sont pas parvenus : ils demeurent des constructeurs généralistes et cultivent une image de voitures commodes et accessibles, et seulement plus récemment de véhicules robustes. À l’opposé, les constructeurs allemands se sont depuis longtemps construit une image qualitative de robustesse depuis très longtemps. Lorsque l’on regarde les comparatifs existants au niveau européen, on constate que les véhicules français d’entrée de gamme sont équivalents aux modèles allemands de même catégorie. Et pourtant, le client préférera le véhicule allemand.
Une autre spécificité française – qui a des répercussions sur le marché automobile – tient à cette volonté déterminée et très écologique de faire en sorte que les voitures circulent de moins en moins bien en ville, et notamment à Paris. Ce qui, en termes d’images, ne fait rêver personne…
Dans ce domaine, la publicité joue un rôle majeur. Il est intéressant de voir que, dans le milieu publicitaire, la qualité est entièrement et exclusivement attachée à l’Allemagne !
Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans la durée : en effet, si aujourd’hui les rapports techniques révèlent une qualité française au rendez-vous, pendant longtemps, la France a été à la traîne ! L’histoire de la Laguna a durablement entamé l’image de la marque : la reconstituer est un travail de (très) longue durée
Les constructeurs français sont souvent associés à une image qui serait uniquement négative… et pourtant ! Citroën a été champion du monde de rallye huit fois au cours des 10 dernières années, Renault champion du monde de F1 neuf fois consécutives de 2002 à 2010… Mais en termes commerciaux, cela ne suffit pas à redorer leur image ou cela n’a pas su être exploité du point de vue de l’image de marché.
Finalement, le problème serait donc « marketing ». Ce qui manque aux voitures françaises, c’est l’image d’un véhicule sexy, de luxe et qui va vite, comme cela existe en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Italie. On parle de la Laguna, mais il ne faut pas oublier l’affaire des Classe A de Mercedes. Ou encore récemment, Toyota qui a rappelé un nombre impressionnant de véhicules, ce qui correspond à deux ans de production Renault. Il serait d’ailleurs intéressant de reprendre les conséquences de ce rappel dans quelques mois. Pour autant, les show-rooms Toyota ne sont pas vides ces jours-ci, parce que l’image « ma Toyota est fantastique » demeure.
D’un point de vue marketing, la difficulté réside donc dans le fait que ne semblent exister que le bas ou le haut de gamme. C’est au milieu que c’est plus difficile. Et Renault constitue un bon exemple, au travers de ce qu’il a réussi à mettre en place avec Dacia : une voiture rustique qui fonctionne.
France ou Europe ?
Aujourd’hui il ne faut plus raisonner à l’échelle de la filière française, mais bien à l’échelle européenne. Et lorsque l’on parle de filière, on ne pense pas seulement aux constructeurs, mais également aux fournisseurs. La vraie question de fond semble être de savoir « quels sont les volumes qui vont permettre aux fournisseurs de développer des forces d’ingénierie pour pouvoir être toujours à la pointe de la recherche ? »
Il est intéressant de se rendre compte qu’un constructeur automobile ne fait des marges que s’il arrive à amortir sur de gros volumes ses frais de recherche et de développement. Aujourd’hui, le premier élément à prendre en compte c’est que la durée de vie des véhicules est beaucoup plus courte qu’auparavant. En mondialisant le niveau de production, on peut gérer une plate-forme unique qui dessert aussi bien l’Amérique latine, la Russie, la Chine, etc. Cela permet donc d’amortir les frais. Il apparaît que l’avenir n’est pas dans une industrie européenne mais dans un modèle entièrement mondialisé, notamment avec la pratique du carry-over : les mêmes pièces sont utilisées sur des voitures qui ont l’air très différentes, à l’instar des Volkswagen.
Et si on devait se poser des questions un peu provocatrices, il faudrait se demander si PSA est fini ou si Renault va être « avalé » par Nissan… Volvo vient d’être absorbé par Geely et l’indépendance de PSA et Renault est vraiment remise en question sur le long terme.
Concernant l’avenir de PSA, il convient d’attendre ce qui va être annoncé à la fois sur l’opération Opel, mais aussi sur l’opération de PSA Finances. Finalement, aujourd’hui faire des voitures ça peut marcher à condition que l’on ne produise pas en France. Pour nous, c’est une activité antiéconomique.
Pour autant sommes-nous condamnés à assister à la disparition d’un constructeur français ? Même s’il n’est pas certain qu’il y ait la place pour tous sur le marché, celle-ci était déjà évoquée il y a 25 ans. Aujourd’hui, ils sont encore tous là. Mais il est vrai qu’il faut regarder si leurs stratégies d’internationalisation sont réussies. On constate de réelles différences entre Volkswagen, Renault, Fiat et PSA, aussi bien en termes de stratégie que de résultats…
Le rapprochement de Nissan et Renault peut être vu comme une alliance et un partage : il a été décidé que Nissan gardera comme zone de dominance l’Asie et les États-Unis et que Renault conservera l’Europe et l’Amérique du Sud. Nissan profite ainsi de la vague de croissance chinoise (19 millions de voitures vendues l’année dernière), et Renault, même si le secteur est sinistré en Europe, peut compter sur l’Amérique latine.
L’humeur actuelle chez Renault pourrait se résumer ainsi : il existe une réelle prise de conscience des difficultés de l’environnement, la nécessité de développer les parts de marchés sur les marchés en croissance – d’où l’intérêt pour la Russie, un projet en Chine et probablement un développement en Inde, c’est là que le constructeur trouvera de nouvelles marges – et un recentrage vers des marchés sur lesquels Renault a l’espoir de participer à la croissance des volumes…