Target 2 : Les flux financiers au sein de la zone euro restent loin d’être équilibrés
La BCE joue un rôle pivot au sein du système commercial et financier européen puisqu’elle organise la compensation des règlements réciproques entre les banques nationales de la zone euro. Le système de paiement qui organise cette compensation depuis 2008 est dénommé Target2.
Si une entreprise italienne finance à crédit auprès de sa banque une importation venue d’Allemagne, la dite banque va se refinancer auprès de la Banque d’Italie. Cette importation va se traduire, en dernière instance, par une reconnaissance de dette de la Banque d’Italie auprès de la BCE, laquelle crédite en contrepartie la Bundesbank en Allemagne. Pour finir, la banque allemande inscrit un crédit au compte de l’exportateur allemand.
En clair, il n’y a pas de différence comptable dans les flux financiers que l’importation se fasse au sein de la zone euro ou en dehors.
Il y a une différence toutefois : le taux de change est fixe au sein de la zone euro et rien ne vient, si un pays de la zone est largement exportateur, pour corriger à la hausse son taux de change vis-à-vis du reste de la zone, exerçant ainsi une force stabilisatrice.
C’est pourquoi il n’y a pas de limite en théorie dans l’accumulation de créances chez certains pays, et de dettes chez d’autres.
Le graphique qui suit, fait par Vox-Fi à partir de la base de données de la BCE, montre ainsi la position fortement créditrice de l’Allemagne, ou plutôt des banques allemandes envers le reste de la zone. Le montant à avril 2025 est de plus d’un trillion d’euros (graphique). La France était traditionnellement à l’équilibre, mais sa position se dégrade depuis en gros la crise du Covid. En clair, elle vit à crédit sur le système pour un montant en avril 2025 de 210 Md€.
Ce n’est pas forcément une situation commode car ces dettes auprès de la BCE subissent un intérêt qui est le taux de dépôt, au niveau de 2 % depuis juin 2025. Il en coûte donc 4 Md€ chaque année à la Banque de France. De même que la position créditrice de la Bundesbank lui rapporte 21 Md€ par an, sur base du taux actuel.
On voit que la BCE est en déficit, ce qui veut dire qu’il y a un financement monétaire de sa part vis-à-vis de l’ensemble des pays de la zone euro. Comme il démarre en 2015, il est sans doute lié aux grandes opérations de rachat de dettes nationales dans le cadre du quantitative easing. On note enfin sur le même graphique le redressement spectaculaire de l’Italie dont le commerce extérieur se porte bien. Sa position nette dans Target2 est actuellement de -371 Md€ alors qu’elle avait atteint -717 Md€ en septembre 2022.

Le système peut-il sinon exploser du moins montrer un dérapage continu ? On a dit que oui en théorie, et cela avait été une vraie inquiétude dans certains cercles politiques allemands au moment de la crise de l’euro en 2011 (voir la violente montée sur le graphique de la position créditrice allemande), mais les courbes montrent une certaine stabilisation sur la période récente, ce qui est aussi l’indice de performances moindres de la machine exportatrice allemande. Les pays du sud de la zone se portent relativement mieux.
On fait figurer sur le second graphique quelques autres pays, pour l’aspect « exotique » si l’on peut dire les choses ainsi. On voit à quel point le Luxembourg (position nette = +232 Md€ en avril 2025) profite des flux d’investissement de portefeuille venus de toute l’Europe.

L’Irlande qui truste les recettes de propriété intellectuelle de l’activité des GAFAM en Europe. Il montre enfin que l’Espagne est bonne dernière en encours (-429 Md€), mais pas en proportion du PIB dans la liste des pays débiteurs.
Et la Grèce ? Elle va mieux. La courbe de sa position nette fait du yoyo. Elle a fortement monté lors des phases de restructuration de dette qui lui a été accordée. Son niveau actuel, -109 Md€, qui semble se stabiliser, correspond mieux à sa situation de trésorerie au niveau Target2.



