Tout le monde en a parlé, les taux d’intérêts pour des emprunts court terme émis par la France (et aussi pour l’Allemagne) ont été très légèrement négatifs… cela frappe les esprits et donne un peu de repos aux politiques.

D’un côté, il y a beaucoup de liquidités disponibles ; de l’autre côté, beaucoup des gros émetteurs de la zone euro sont considérés à risque (Italie, Espagne) avec peu d’acheteurs… cela crée une distorsion de prix et, de fait, les prêteurs se retournent vers des actifs jugés sans risque ou à potentiel de risque beaucoup plus faible. Cela est renforcé par des règles d’allocation d’actifs qui imposent de détenir un pourcentage minimum de titre d’actifs à l’opposé d’une détention en placement monétaire. N’oublions pas non plus que près de 100 milliards d’euros (très exactement 97 milliards), près de 10 % du PIB espagnol, ont quitté l’Espagne durant le 1er trimestre 2012 (source Banque d’Espagne), et cela s’est probablement aggravé durant le 2e trimestre 2012. Ce transfert de capital doit trouver sa place sur le marché de l’euro. Alors la contrepartie de ces taux court terme négatifs pour la France et l’Allemagne ce sont des taux de 6 %-7 % pour l’Espagne. Ces taux anormalement bas sont surtout un signe très inquiétant de défiance vis-à-vis de l’Espagne (avec un PIB en baisse de 0,4 % au 2e trimestre 2012) et de l’Italie, accentuant les déséquilibres internes à l’Europe et les potentiels risques de scission de la zone euro.

Mais nous devons faire attention au fait que ces taux très faiblement temporairement négatifs risquent d’endormir les politiques au détriment des réformes budgétaires qui restent à réaliser : en cas de décalage de ces réformes, alors les réveils post-morphine seront très douloureux.

Et surtout il ne nous faut pas oublier que cela est potentiellement un tout petit « krach » obligataire au détriment de l’épargnant français ou allemand qui pense avoir placé ses avoirs dans des actifs sans risque… alors son actif, considéré sans risque, qu’il soit en euro constant ou courant vaudra moins cher à maturité et donc fera face à une perte de valeur. Cela est un avant-signe de ce qui pourrait arriver dans le processus de réduction de la dette des états : faire payer l’épargnant par une baisse de son épargne obligataire principalement localisée en assurance-vie et donc peu liquide.

Pour les détenteurs actuels d’obligations, de belle plus-value en perspective, mais une « soupe à la grimace » immédiate pour les nouveaux épargnants avec une épargne sous-rémunérée et latente pour les autres lorsque leurs vieilles obligations seront remboursées ; et la remontée des taux souverains de la France probablement inéluctable (non seulement probable hausse des dépenses publiques, hausse des salaires et perte de productivité à venir, mais aussi coût de sauvetage des pays du sud de la zone euro) va probablement effacer très rapidement les plus-values latentes réalisées par les porteurs d’emprunt d’État. Cette hausse potentielle des taux porte en elle-même le risque d’un krach obligataire, lequel phénomène pourrait être amplifié par l’effacement de dettes portées par la BCE ou par tout autre État.

Nous avons trop vite oublié que la dette publique doit être payée, et in fine l’épargnant est une cible idéale : d’abord impôts, puis inflation ou baisse obligataire (pour les pays à euro dits « forts »), il ne peut pas sortir enrichi de cette crise financière avec une potentielle perte en capital à la sortie ! Mais existe-t-il d’autres placements  dans ce monde financier en plein désarroi ?