Personne ne peut encore mesurer les conséquences économiques du tremblement de terre au Japon, ni celles des dommages consécutifs à la catastrophe nucléaire de Fukushima. C’est, avant tout, une catastrophe humaine et écologique, mais ce sera vraisemblablement aussi un choc économique violent, non seulement pour le Japon (certains journaux imaginent déjà une réduction de 2 % du PIB japonais), mais aussi pour nous tous. Entendons par là : les dommages ne se limiteront pas au territoire japonais ni à son économie.

Un exemple de dommage collatéral pour des entreprises américaines ou européennes ? La couverture d’assurances pour perte d’exploitation.

Le tremblement de terre et le tsunami ont ainsi brutalement interrompu les expéditions de produits ou composants japonais à destination de sociétés occidentales. Tel serait le cas de Nissan, qui a temporairement arrêté sa production de voitures et de pièces détachées au Japon, ne fournissant plus, dès lors, sa filiale américaine, ou tel serait également le cas de Nikon qui ne pourra fournir que 140 000 unités de son nouvel appareil photo (juste une mise en place sans possibilité de réassort durant les périodes estivales de fortes ventes) ; et sans compter sur les nombreux sous-traitants locaux qui n’ont plus d’outils de production ou qui sont durement affectés par les coupures d’électricité…

Certes, la plupart de nos entreprises ont souscrit auprès de leurs compagnies d’assurance des garanties de perte d’exploitation en cas de défaillance d’un fournisseur. Elles sont donc théoriquement couvertes pour ces manquements. Et cela de façon tout à fait standard.

Mais que se passe-t-il lorsque la cause de cette défaillance est consécutive à un risque non couvert car non assurable ou très difficilement assurable (très faible fréquence, mais très forte intensité) ?

Premièrement : il faut d’urgence que chacun retourne à une lecture attentive de son contrat. Très probablement, la perte d’exploitation ne couvre pas les dommages liés à un tremblement de terre, à un tsunami ou à une catastrophe nucléaire. La société va se trouver alors prise en tenaille entre les manquements de son fournisseur et les demandes de ses clients, sans possibilité d’être indemnisée pour ses pertes d’exploitation. Faut-il donc déclarer tout tremblement de terre ou tsunami comme catastrophe naturelle mondiale auprès des assureurs, pour que ceux-ci acceptent de dédommager leurs clients ? Ce qui impliquerait de revoir toute la conception de la couverture des risques des entreprises par les assureurs, leurs offres, leurs tarifs, lesquels sans doute n’iraient guère à la baisse…

 

Deuxièmement : dans un tel cas, il va de soi que des sociétés dont les sources d’approvisionnement se trouvent dans des pays présentant des risques naturels potentiels doivent être très réactives : faut-il souscrire un complément d’assurances risque « catastrophe naturelle » (mais à quel prix ?), reconsidérer sa politique d’achats « just-in-time » en créant des stocks tampons (en pariant sur une non-affectation des ventes par les conséquences d’une catastrophe), ou encore chercher à s’approvisionner ailleurs (plus près, en zone moins risquée… pour autant que les compétences, savoir-faire, capacités de production, etc. existent dans cet « ailleurs ») ? Le choix doit être le bon, la décision, rapide.

Sujet moins anodin qu’il n’y paraît pour nos économies occidentales : les événements dramatiques survenus au Japon peuvent se reproduire indifféremment ailleurs – comme une pollution qui nécessiterait une fermeture d’usines, en Chine par exemple. Les économies émergentes, ateliers du reste du monde, sont loin d’être toutes situées dans des zones « tranquilles », et sont de plus en plus candidates à des catastrophes écologiques diverses…

Alors quelles leçons retenir en matière de prévention de ces catastrophes naturelles :

  1. Diversifier ses fournisseurs, c’est stratégique (et c’est la base d’une bonne gestion, pas uniquement sur le risque d’exploitation, mais aussi pour limiter le pouvoir tarifaire du fournisseur) ;
  2. Les stocks sont une forme d’assurance. Le Japon est un pays de haute confiance sociale. Il n’est pas étonnant que le just-in-time ait émergé dans ce pays. Mais se priver de cette autoassurance fait également perdre en flexibilité, on le mesure aujourd’hui ;
  3. Diversifier ses fournisseurs, c’est aussi hésiter devant la délocalisation même avec un coût plus faible : on maîtrise mieux un fournisseur géographiquement proche ;
  4. Et bien sûr, quatrième leçon, il faut non seulement s’assurer, mais aussi savoir remettre en cause les clauses contractuelles, parfois écrites en petits caractères et souvent noyées au milieu d’une abondante littérature.

Dès lors, la gestion des risques de toute entreprise doit intégrer ces catastrophes naturelles et définir le bon équilibre entre assurance, gestion de stock, lieu et mode d’approvisionnement ; une voie, aussi, pour la relocalisation ?