Il y a aujourd’hui des optimistes et des pessimistes sur la conjoncture chinoise. Les optimistes voient les extraordinaires innovations qui mettent désormais le pays au rang des États-Unis dans de nombreux secteurs. Ils voient aussi le défi que lance le régime chinois à sa population, à savoir le Make China Great Again, après ses trois siècles de disparition de la scène géopolitique mondiale. Il s’agit d’une force de mobilisation à ne pas négliger, propre à faire oublier nombre de désagréments que subit la population sur les libertés personnelles et la qualité de vie.

Les pessimistes, dont le présent billet, regardent les choses du point de vue de l’équilibre macroéconomique et s’inquiètent de l’énorme part de l’investissement dans le PIB (42 %, contre 22 % en Allemagne et 23 % en France), alors que la croissance a en pratique diminué de plus de moitié.

Il y a donc désormais un stock excessif de capital, notamment dans l’immobilier, et donc un rendement de l’investissement beaucoup plus bas que précédemment. Cela entraîne le surendettement, un flux continu de financement à perte ou à faible rendement de la part du secteur financier public et, comme on le voit désormais, l’obligation d’exporter toujours plus vers le monde entier.

 

Montrons cela par quelques chiffres

Faisons l’estimation plausible pour commencer que le ratio entre le stock de capital (l’actif économique) et le PIB chinois (la valeur ajoutée) est de 3X. Ce ratio est de 6,3X pour la France, un chiffre beaucoup plus élevé, sachant l’importance du capital accumulé et le moindre taux de croissance. Symboliquement : K / Q = 3.

Par ailleurs, l’investissement brut (y compris amortissement) fait en Chine 42 % du PIB. L’investissement net (après un amortissement du capital de 13 %) est donc de l’ordre de 33 % du PIB. De la sorte, l’investissement net (IN) fait un tiers du PIB. L’investissement net, on le rappelle, c’est ce qui vient accroître ou réduire le stock de capital.

Le taux de croissance qu’autorise l’outil de production de l’économie chinoise est donc :

IN / K = IN / Q × Q / K = 33 % × 1/3 ≈ 11 %.

C’est un taux de croissance proche de ce qu’a connu l’économie chinoise aux alentours des années 2000.

Les dernières estimations du FMI pour la croissance du PIB chinois sont en dessous de 5 %, soit respectivement 4,8 % et 4,2 % pour 2025 et 2026. Disons 4,5 % pour notre petit calcul.

Sachant que la population active baisse désormais à un rythme compris entre 0,5 % et 1 %, la croissance de l’économie par tête est donc de l’ordre de 5 %.

Par conséquent, l’investissement brut nécessaire pour soutenir une telle croissance n’est donc que de : 5 % × K / Q + 13 % = 5 % × 3 + 13 % = 28 % en proportion du PIB, soit cinq points de plus que dans les pays européens — et non 42 % !

La Chine ne peut retrouver l’équilibre offre–demande dans sa croissance qu’en ajustant à la baisse son investissement pour un montant égal à 14 points de PIB (42 % – 28 %), ce qui est énorme.

Or, l’investissement ne semble pas s’être ajusté à la baisse au cours des dix dernières années : il était de 46 % en 2015. La raison de cela, c’est le soutien massif qu’apportent les autorités chinoises, notamment les entités publiques, dans ce qui ressemble à une fuite en avant.
Un investissement qui ne fait pas de croissance, ça veut dire des hauts-fourneaux inutiles, des usines de batteries inutiles, des panneaux solaires inutiles, etc.

Les voies de solution

Il n’y en a que trois :

  • Faire croître au maximum les exportations, dans une stratégie « atelier du monde ». De fait, la Chine montre à nouveau un excédent de sa balance des biens et services, désormais à 3 % du PIB. Elle a arrêté aussi sa politique d’appréciation du renminbi. Mais on entend bien les crissements que cette attitude provoque dans les pays d’importation, les États-Unis en tête, et bientôt l’Europe ou d’autres pays, avec le reflux vers eux des exportations désormais moins bienvenues aux États-Unis.
  • Accroître la consommation des ménages.
  • Une bonne purge des bilans, ce qui supposerait une forte récession le temps de la restructuration.

Faire remonter la consommation n’est pas facile. D’une part, les salaires n’augmentent que très peu et même baissent en proportion du PIB, comme on en juge sur ce graphique qui montre l’évolution de la rémunération des salariés en proportion du PIB.

 

D’autre part, le taux d’épargne des ménages (entre 35 % et 40 %, contre 18 % pour la France) reste très élevé et ne semble pas baisser. Il faudrait pour cela que les Chinois disposent de systèmes assurantiels de santé et de retraites efficaces. Mais ceux-ci restent largement à bâtir. Et le ralentissement démographique et l’organisation sociale moderne rendent chaque année plus difficile le report sur les enfants de l’assurance vieillesse des parents.

Il n’est donc pas exclu qu’on observe dans un futur proche ce qu’on a déjà commencé à voir dans l’immobilier, à savoir un assainissement des bilans, qu’il faut espérer progressif plutôt que brutal.