En mettant en avant son impact positif, sur l’économie, de la baisse de 19,6 % à 5,5 % du taux de TVA appliqué à la restauration, un rapport du Sénat prend à contre-pied les arguments récents de la Cour des comptes et les perceptions des clients, qui pestent notamment sur sa moindre répercussion sur le montant de l’addition.

Le rapport sénatorial montre que la TVA réduite, à défaut de vraiment servir le consommateur, a eu des effets bénéfiques sur le plan économique : quand les prix baissent de 1 %, le chiffre d’affaires des entreprises du secteur augmenterait ainsi d’environ 1,1 %, et leurs volumes de ventes de 2,75 %. En revanche, le rapport est plus flou sur l’atteinte des objectifs ayant fait l’objet d’un contrat d’avenir entre le gouvernement et les professionnels de la restauration. Quels sont les chiffres ?

A cause de l’évolution permanente des cartes, il est très difficile de mesurer l’exacte évolution des prix, sauf à se concentrer sur le prix du café, finalement assez peu révélateur. En additionnant la baisse enregistrée par l’Insee (1,3%) et la non augmentation (1,2 %), le Trésor estime donc à 2,5 % (soit 75 centimes sur une addition de 30 € !) chez 50 % des entreprises du secteur, l’impact, inférieur à l’objectif gouvernemental de 3 % pour 800 Millions d’euros, sur les prix, de la baisse de la TVA. Cet engagement est toutefois impossible à vérifier sur le long terme : depuis l’été 2009, les menus ont changé, la comparaison n’est plus possible. Le gouvernement a d’ailleurs renoncé à obtenir cette baisse de prix et demande seulement que l’addition n’augmente pas plus vite que l’inflation.

 

Tout le monde s’accorde à penser que les investissements dans le secteur restent insuffisants, alors que la baisse de la TVA devait être incitative. Or, selon le sénateur rapporteur de l’étude, « la baisse de la TVA se traduit avant tout par la restauration des capacités de profit et d’épargne « . Entre 2008 et 2009, la marge brute des restaurateurs a augmenté de 3,8 % contre 0,8 % l’année précédente. Le résultat courant a progressé de 5,4 % sur la même période contre une chute de 4 % entre 2007 et 2008. Il est vrai que les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain… ou d’après-demain !
Quant aux salaires, selon la Cour des comptes et le Sénat, ils auraient affiché une hausse moyenne de 3 %, en sus d’une prime TVA nouvellement créée, soit 600 millions d’euros supplémentaires redistribués aux salariés. Compte tenu de la pénibilité du travail dans la restauration, changements incessants de rythme etc., on peut comprendre et se réjouir de la prise en compte de cette réalité.

Enfin, le taux réduit a, semble-t-il, également favorisé l’emploi : 20 000 emplois auraient ainsi été créés dès la première année d’application du taux réduit, alors que la profession avait fixé avec le gouvernement un objectif de 40 000 embauches en deux ans.

Alors que le rapport du sénateur propose au gouvernement de prolonger de 2 à 5 ans le taux réduit, la Cour des comptes s’interroge fortement sur le coût de la mesure, qu’elle estime à quelque 3,2 milliards d’euros par an (2,55 milliards net si l’on prend en compte les 650 millions d’euros d’aides versées chaque année au secteur depuis 2004 et supprimées lors de son entrée en vigueur). Tentons de détailler qui a perçu combien.

Après les hausses de salaire (600 Millions d’euros), une stagnation des investissements, et une baisse des prix illisible pour le consommateur, reste à identifier la destination du solde des 1,95 Mds d’euros.

Sachant que le coût moyen annuel total chargé d’un salarié de la restauration est d’environ 35 000 euros, on peut lire du point de vue du budget de l’Etat :
– la création de 20 000 emplois pour 700 Millions d’euros et l’amélioration des marges représente 1,25 Mds d’euros.
– L’objectif initial de cette baisse du taux de TVA n’étant pas l’amélioration des marges (puisque l’impact sur les investissements est nul), la création d’un emploi dans la restauration pour les contribuables français a été de 97 500 euros.

Si cette dépense doit être identifiée, en comptabilité publique, comme une « non-recette » de fonctionnement, l’époque voudrait qu’on la supprimât. Si au contraire, il s’agissait de favoriser l’investissement, alors l’esprit de la révision générale des politiques publiques conduirait à arrêter un programme dont le taux de rendement interne est aussi médiocre !

Si la rigoureuse Cour des comptes a d’ailleurs beaucoup critiqué ce « cadeau fiscal » elle n’est pas la seule. Le rapporteur général du Budget à l’Assemblée, le député UMP Gilles Carrez, suggère de repasser à un taux intermédiaire de 12 % pour certains produits. Quand au ministre du Budget, François Baroin, il aurait bien aimé inclure cette « très grosse niche fiscale » dans le coup de rabot. Or le projet de loi de finance 2011qui est présenté au Parlement, propose :
– une réduction du Crédit d’Impôt Recherche,
– un resserrement des conditions d’éligibilité au statut d’entreprise innovante et
– une diminution de la part des investissements dans une PME déductible de l’IRPP et de l’ISF !

Comptons sur la clairvoyance et la sagesse des parlementaires.