La désignation, à compter du 1er juillet 2011, de Hans Hoogervorst comme président du Board de l’IASB et de Ian Mackintosh comme vice-président constitue une surprise de taille. Ces deux nominations marquent l’issue d’un processus de recherche internationale entamé en novembre 2010 mais aussi la fin d’une époque. Les Trustees de la Fondation IFRS ont consulté 500 organisations de stockholders, identifié 300 candidats de 28 pays différents pour finalement nominer 45 personnalités de 20 pays. La désignation du tandem hollando-néozélandais, votée à Séoul le 12 octobre par l’unanimité des Trustees, a pris par surprise les observateurs des deux côtés de l’Atlantique.

Ian Mackintosh, qui a fait l’essentiel de sa carrière en Australie, d’abord avec Coopers & Lybrand puis, pendant 27 ans, dans la normalisation comptable australienne, britannique et internationale, faisait la course en tête et semblait être le candidat incontournable. Les quotidiens français La Tribune et l’Agefi annonçaient d’ailleurs sa nomination comme acquise la veille de la réunion de Séoul ! Il avait pourtant été maintenu sur le gril jusqu’au dernier moment, ayant contre lui d’être anglo-saxon et originaire d’un petit pays très éloigné de l’Europe, principal utilisateur des normes IFRS. Bruxelles était très réticent à cette nomination qui aurait pu laisser croire que le chairman de l’IASB, l’Ecossais Sir David Tweedie, bénéficiait d’un droit de succession quasi automatique (Ian Mackintosh avait succédé à Sir David en 2004 à la tête de l’ASB, conseil britannique des normes comptables)…

Les Européens, notamment l’Italien Tommaso Padoa-Schioppa et le Français Yves Thibault de Silguy (respectivement président et unique français membre du comité de Trustees), ont fait le forcing jusqu’au bout pour faire nommer un Européen continental, non anglo-saxon, comme président de l’autorité comptable internationale. Dans ces circonstances, les Hollandais sont toujours bien placés, d’où la solution du binôme qui semble être un habile compromis et dont tout le monde fait mine d’être satisfait. Off, on entend dire « mieux vaut un bon résultat après un mauvais processus que le contraire », propos qui doit faire bondir le fondamentaliste du « due process » qu’est Sir David. Les temps changent plus vite qu’on ne l’imagine …

Reste à savoir comment ce binôme, ou plutôt ce trio avec le président des Trustees, fonctionnera. Le futur président de l’IASB, qui est aujourd’hui président de l’autorité boursière néerlandaise (récemment écarté de la course à la fonction de gouverneur de la banque centrale des Pays Bas), après avoir occupé plusieurs postes ministériels dont celui des Finances, est davantage un politique qu’un technicien comptable. L’information financière est cependant loin de lui être étrangère. Dans ses fonctions de président du comité technique du forum mondial des régulateurs de marché (OICV) et de vice-président du « Financial Crisis Advisory Group » auprès de l’IASB, Hans Hoogervorst s’est montré un défenseur vigoureux de l’institution dans une période difficile. Il devrait donner à l’IASB l’autorité qui lui a parfois manqué et apaiser les crispations avec la commission européenne.

Pour certains observateurs en effet, cette nomination d’une personnalité d’Europe continentale à la tête de l’institution illustre le caractère politique qu’ont pris les normes comptables internationales à la faveur de la crise financière et constitue en fait un changement d’équilibre dans la gouvernance de l’IASB en faveur des régulateurs, et donc des politiques. Les mêmes estiment que cette décision est un camouflet pour les Etats-Unis et pour la convergence internationale.

Pour notre part, nous pensons au contraire que c’est une excellente décision pour la communauté financière mondiale :
• Au cours des dix années passées, Sir David a subi à la fois une pression politique (surtout en 2008) et technique qui lui ont rendu la tâche difficile. Le nouveau tandem permettra, à condition de pédaler au même rythme, de donner un peu d’air au président et de lui offrir la possibilité de prendre de la hauteur, donnant ainsi à l’institution davantage d’efficacité et de reconnaissance.
• Ian Mackintosh est unanimement reconnu, pas seulement par les membres du Board, comme un technicien chevronné indispensable à la crédibilité technique de l’institution, notamment vis-à-vis du normalisateur comptable américain (FASB), sans être pour autant dénué de sens politique. Il devrait être très complémentaire de son président.
• Le fait de confier la présidence de l’IASB à un ancien régulateur boursier devrait faire prévaloir l’intérêt général, au sens anglo-saxon de « public interest » (les Hollandais sont quand même un peu anglo-saxons aussi), ce qui devrait rassurer les investisseurs et les prêteurs, avec donc moins d’interférence politique.

G20, convergence IFRS / US GAAP, profonds changements normatifs en préparation, enjeux stratégiques et opérationnels induits par ces changements, autant de défis pour cet attelage qui va écrire l’histoire comptable des prochaines années.