L’inflation sera dans les prochaines années pour les pays développés un avatar de la mondialisation. L’objet n’est pas ici de démontrer cette affirmation, conviction que je sais ne pas partager avec beaucoup d’économistes ; je le ferai dans d’autres occasions. Il s’agit ici d’en analyser les conséquences.

L’inflation est définie par l’INSEE comme la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. Les tenants d’une saine orthodoxie financière la considèrent comme un fléau potentiel dont il convient d’empêcher tout foyer d’apparaître par une politique monétaire rigoureuse et simpliste. L’inflation est considérée comme un virus difficile à éradiquer qu’il ne faut donc pas laisser se développer. Or, si l’on se fie à l’historien Pierre Marseille dans son ouvrage L’argent des Français, il existe un lien clair entre inflation et croissance des richesses. Sur les 150 dernières années en France, les périodes d’inflation sont celles qui se sont traduites par la plus forte croissance (en termes réels !) de la richesse des Français. Cette corrélation à défaut de preuve mérite réflexion !

La perte de pouvoir d’achat de la monnaie se traduit par un amoindrissement des patrimoines en devises et par une diminution de la valeur réelle des sommes échangées. L’inflation remet donc en cause des acquis, de richesses ou de revenus.

S’agissant du patrimoine, n’est-il pas sain qu’un tel risque existe ? Que les excédents de trésorerie servent à créer de nouvelles richesses ? Marc Dugois écrivait en introduction de son post passionnant intitulé Le prêt à intérêt, la riba : « Seule une banque nationalisée peut prêter à intérêt car l’intérêt est payé par deux impôts qui sont la dévaluation et la hausse des prix. Or seul l’Etat est habilité à lever l’impôt qui ne doit pas être privé (…) Les privés ne peuvent utiliser leur argent qu’en le consommant ou en l’associant au travail pour vivre une aventure commune au aléatoire pour les deux associés… » Grâce à l’inflation, il est incertain pour le particulier de vivre de rentes purement financières. Parce que l’investissement protège de l’inflation, le risque inflationniste est un moteur de l’investissement !

Et que dire du caractère moral de l’inflation qui va rogner le pouvoir d’achat de celui qui vend à crédit à un client aujourd’hui insolvable ? Le bistrotier qui continue à servir son client alcoolique sait que les promesses de paiements futurs n’engagent que celui qui les écoute ! Sachant qu’en outre, en aggravant l’état de son client, il rend encore plus difficile la possibilité pour se dernier d’honorer ses dettes. De la même manière la Chine sait qu’en continuant à fournir à crédit les pays occidentaux de produits que ces pays ne peuvent produire à un prix concurrentiel, elle entretient une relative paix sociale chez elle… mais prend le risque de voir ses créances rognées par l’inflation ou son pendant entre différentes devises, la dévaluation.

Quant à l’impact de l’inflation sur les revenus, mêmes causes mêmes effets : l’inflation rogne des acquis et redonne ainsi de l’oxygène à une économie trop figée. Comme pour les rentes financières, l’inflation remet en cause les rentes de situation. Celles qui reposent sur un véritable apport de richesse à autrui ne subiront que des frottements. Ceux-ci seront certes plus ou moins forts selon la capacité que tel ou tel statut a à répercuter la valeur du travail sur la rémunération (le boulanger subira moins de retard d’ajustement que le professeur…). Le travailleur qui a un savoir faire de valeur certaine pourra ajuster ses prix de manière à conserver son pouvoir d’achat. Même si l’inflation n’est pas suffisante pour casser des rentes que seules les lois peuvent éviter (les situations de monopoles par exemple), elle permet une meilleure allocation des richesses. La main invisible d’Adam Smith retrouve ainsi (un peu) de sa force.

Il est fort probable que, dans les prochaines années pour les pays occidentaux, inflation rime avec paupérisation. Les Chinois qui verront leurs créances s’appauvrir risquent progressivement d’afficher « Pour ne pas perdre ses amis, la maison ne fait plus crédit ». Les Occidentaux ne pourront plus consommer autant de produits chinois. Mais la baisse de pouvoir d’achat qui attend les Occidentaux serait pire sans inflation : le poids de la dette serait de plus en plus lourd et les politiques n’auraient plus aucune marge de manœuvre pour aider à l’adaptation de leurs pays.